Le but principal de ma recherche sur le terrain est tout d’abord de mettre en avant, par des questions ciblées, les concepts théoriques préalablement développés dans l’introduction afin de les envisager à partir du point de vue d’une professionnelle. Pour mener à bien mon enquête, j’ai rédigé un certain nombre de questions plus précises qui m’ont par la suite permis de confirmer ou contredire les différents aspects théoriques développés dans le cadre de mon travail. La méthode choisie m’a ainsi directement menée vers l’enrichissante rencontre d’une éducatrice de l’enfance travaillant aujourd’hui dans le domaine de la littérature enfantine, dont l’interview réalisée a été enregistrée puis soigneusement retranscrite.
Lors de la présentation des données récoltées, je vais donc confronter les éléments théoriques développés dans l’introduction aux réponses obtenues lors de mon entretien. Pour se faire, je m’intéresserai d’abord brièvement au parcours professionnel de la directrice du CREDE, Par les différents titres proposés, je définirai donc le rôle de la peur dans le développement de l’enfant d’âge préscolaire ainsi que les craintes les plus rencontrées et leurs significations. Ensuite, j’expliquerai le rôle de l’apaisement chez l’enfant et les différents outils et attitudes proposés dans le cadre de cette démarche. Enfin, je terminerai par recueillir l’avis du sujet interrogé concernant l’utilisation du conte et de l’album auprès d’enfants d’âge préscolaire en situation de crainte.
Présentation des données
La peur et l’enfant
La peur est une émotion normale et universelle qui touche les enfants comme les adultes mais ne se manifeste cependant pas de la même manière chez les deux sujets. En effet, il peut parfois être difficile de repérer la peur chez l’enfant, celui-ci n’ayant parfois pas encore acquis la parole ou rencontrant tout simplement de la difficulté à la mettre en mots. Le comportement de l’enfant va alors servir d’indicateur et envoyer un signal d’alerte comme des pleurs, des cris, de l’agitation ou, au contraire, une forme de renfermement en cas d’inquiétude ou de mal-être.
Les peurs de l’enfant pouvant être vécues de manière très intense, il est important d’y prêter attention et de les prendre au sérieux (Bacus, 2003, p. 9-10).
• Quel rôle pour son développement ?
La peur est une émotion essentielle au bon développement de l’enfant, elle est d’ailleurs la plus précocement incluse dans la maturation psychique de l’enfant puisqu’elle apparaît dès les premières semaines après la naissance (Bacus, 2003, p. 16). Avant toute chose, la peur a pour rôle de mécanisme défensif, par la réaction physiologique préalablement expliquée qu’elle engendre, d’alerter et de prévenir l’enfant du danger. La peur peut donc le sauver et lui est donc précieuse, sans elle et sans l’aide de l’adulte, il pourrait se mettre en situation dangereuse (Maréchal, 2009, p. 79).
En effet, le soutien du parent ou d’une éducatrice est également essentiel dans l’apprentissage de la peur et permet à l’enfant de faire la distinction entre des évènements véritablement dangereux et ceux qui ne le sont pas (Crétin, 2013, p. 150). Plus loin encore, ce sentiment lui permet d’accéder à une plus grande autonomie en apprenant à s’adapter aux changements et à gérer ses émotions face aux situations vécues (Bartoli, 2010, p. 65). Anne Bacus (2005) ajoute quant à elle, que se confronter à ses peurs permet à l’enfant de développer des moyens de se rassurer afin de ne plus s’angoisser inutilement, de faire la distinction entre un danger réel et un danger imaginaire, et de ne pas considérer le monde qui l’entoure comme un lieu hostile. Certaines périodes du développement sont plus sujettes à l’apparition des peurs. Comme vu dans le paragraphe du développement affectif, l’enfant entre 3 et 6 ans se trouve dans ce que Freud appelle « le stade phallique », fortement marqué par la résolution du complexe d’Oedipe. Les sentiments d’amour et de haine que l’enfant ressent envers les parents ainsi que le conflit entre l’interdit et ses désirs engendrent de l’angoisse chez celui-ci (Beaumatin & Laterrasse, 1998, p. 17). D’un point de vue psychanalytique, la peur ressentie à travers le conflit œdipien permet à l’enfant de passer à une relation triangulaire (père-mère-enfant), d’accéder à la différenciation des sexes, d’intérioriser les interdits ainsi que les exigences parentales et sociales, mais également de se dépasser en cherchant à correspondre au parent préalablement idéalisé (Giffard, s.d.).
Selon la directrice, la peur joue effectivement un rôle d’indicateur de danger pour l’enfant et lui permet aussi d’apprendre à gérer les sentiments difficilement maîtrisables qui l’habitent : Les peurs sont utiles car elles sont un signal d’alarme, elles permettent peu à peu à l’être humain de prendre conscience de ses pulsions et progressivement de les maîtriser. À la condition de trouver auprès d’un adulte le réconfort nécessaire ! La peur sert de signal avant l’angoisse.
Par la suite, la directrice du CREDE souligne également l’importance de la peur en tant qu’émotion à la fois inévitable et constructrice pour l’enfant : « Oui, il y a des choses qui font peur ! On peut avoir peur du vide, peur du loup, peur des orages, mais cette émotion est nécessaire parce qu’un enfant qui n’a pas peur, c’est tout simplement un être humain mort. »
• Les principales peurs chez l’enfant de 3 à 5 ans
La peur chez l’enfant peut se diviser en deux catégories. En effet, il existe des peurs dites « réelles », soit la crainte de choses ou de situations réelles qui peuvent justifier la méfiance (comme la peur des gros chiens, des piqûres) ou non (comme la peur du bain), et également les peurs imaginaires, soit la peur du loup ou du monstre caché sous le lit (Bacus, 2005, p. 18).
1. Introduction |