Impact sur les professionnels de la santé 

Les professionnels de la santé ne faisant pas partie du système familial à part entière, ils constituent un suprasystème important du système familial. Dans le cas d’AS, les professionnels de la santé, essentiellement les médecins et les infirmières, ont une relation étroite avec le patient et leur entourage. Comme mentionné précédemment, ce suprasystème interagit avec chaque membre du système familial et les influence. L’annonce du patient désireux de mourir a un impact sur la relation avec les professionnels de la santé qui s’y trouvent confrontés. Les différents impacts engendrés par l’annonce du patient restent similaires à ceux des proches. Cette décision de recourir à l’AS peut interpeler les professionnels de la santé et les confronter à leurs valeurs et croyances. Ainsi, les impacts cognitifs, émotionnels et relationnels vont être abordés en fonction des résultats des différents articles.

Prise de décision
Lors de la prise de décision d’AS, les professionnels de la santé occupent une place satellite ; le patient étant maître de sa décision, les soignants occupent une place mineure dans la prise de décision (Sahlberg et al., 2000). Dans la majorité des cas, le sujet d’EAS est amené par le patient (Voorhees, J., 2013). Outre les proches des patients, les professionnels de la santé se présentent comme des personnes de référence à qui les patients formulent leur décision. Selon Georges et al. (2007), 39% des patients décident d’évoquer leur souhait de mourir d’abord à leur médecin. Dans 69% des cas, les patients expriment leurs souhaits de mourir aux infirmières (Inghelbrecht et al., 2010). Selon Dierckx de Casterlé et al. (2010), les infirmières s’attendent à la demande d’EAS, cela s’explique par le fait qu’elles ont construit une relation de confiance avec le patient.

Une fois la demande formulée, les professionnels s’entretiennent sur la décision à prendre. La décision revenant au médecin, les infirmières occupent cependant un rôle clé. Dans la majorité des cas (64%), selon Inghelbrecht et al. (2010), les infirmières prennent part, d’une manière ou d’une autre, à la décision. Selon Dierckx de Casterlé et al. (2010) de par leur rôle d’accompagnatrice auprès du patient, les infirmières sont désireuses de prendre part à la décision, et tout spécialement si elles ont fait face à l’annonce. Elles se considèrent porte-parole du patient au sein de l’équipe multidisciplinaire, car elles détiennent les informations importantes le concernant, notamment les raisons qui l’ont poussé à prendre la décision. Leur participation consiste à un échange d’informations sur l’état de santé du patient, les besoins et les souhaits de la famille. Enfin, elles considèrent la demande et s’assurent de la bonne compréhension de la procédure d’AS. En tant que médiatrice, elles conseillent au patient de prendre un temps de réflexion, de se renseigner sur la procédure mais aussi d’en discuter avec leur entourage (Dierckx de Casterlé et al., 2010).

Cependant, même si elles occupent un rôle important lors de la prise de décision, elles n’en sont pas moins impactées.

Impacts cognitifs
Dans un premier temps, lors de la confrontation à la demande, les infirmières essaient d’en comprendre les causes, et cela en faisant part de non jugement (Dierckx de Casterlé et al., 2010). Cependant, cette confrontation semble difficile d’un point de vue cognitif. En effet, selon Duhamel (2015), “les professionnels de la santé qui travaillent dans un contexte de soins en phase terminale devraient reconnaître leurs propres croyances au sujet de la souffrance et de la mort.”(p. 75). L’annonce du patient de recourir à l’AS peut se confronter à leurs croyances et valeurs personnelles et professionnelles. Selon Denier et al. (2009), le processus implique un travail sur soi. Une ambivalence entre leurs expériences personnelles et professionnelles peut surgir lors de l’annonce. Ainsi, la décision de recourir à l’AS implique, pour les infirmières, de clarifier leurs croyances et valeurs mais également de faire la distinction entre leur vie privée et professionnelle. Enfin, le fait de comprendre la requête et le point de vue du patient semble permettre une meilleure acceptation de la demande par les infirmières (Denier et al., 2009).

Impacts émotionnels
La confrontation à la demande du patient semble également avoir un impact émotionnel sur les professionnels de la santé. Les émotions éprouvées lors de la demande d’AS semblent être similaires pour les médecins et les infirmières. En effet, dans les deux cas, les professionnels de la santé éprouvent de manière générale des émotions caractérisées d’intenses et ambivalentes.

Tout d’abord, les médecins peuvent avoir le sentiment d’être utile pour le patient, de par leur présence et leur capacité à parler de ce sujet difficile. Cependant, la demande de recourir à l’AS peut faire surgir chez eux un sentiment d’échec thérapeutique. Les discussions d’EAS avec le patient peuvent amener à une intensification des émotions, une peur, une gêne, voire à un épuisement émotionnel (Voorhees et al., 2013).

Les infirmières expérimentent, elles aussi, de fortes émotions lors de l’annonce de la décision. Le processus d’AS est vécu comme difficile sur le plan émotionnel. Elles éprouvent, d’une part, un sentiment de responsabilité face à leur devoir d’accompagner le patient à mourir dans la dignité. Cependant, la mort planifiée amène à un sentiment d’irréalité chez les infirmières. Elles peuvent ressentir un sentiment contradictoire face au processus d’EAS. Elles considèrent le décès du patient comme une mort non naturelle mais reconnaissent aussi que le processus d’EAS permet de respecter les dernières volontés du patient et que celui décède dignement. Néanmoins, il apparaît que certaines infirmières ne font pas de distinction entre le processus de mort naturelle et celui de l’EAS. Malgré le fait que ce processus reste une épreuve difficile, les infirmières expérimentées font face et gèrent les demandes d’AS plus sereinement (Denier et al., 2009).

D’après Dierckx de Casterlé et al. (2010), l’impact que provoque la mort non naturelle sur les professionnels de la santé doit être reconnu et pris en considération. Il semble alors important que les infirmières se préparent émotionnellement et psychologiquement, d’une part en organisant des débriefings au sein de l’équipe et, d’autre part, en échangeant leur ressenti de la situation tout au long du processus. Selon Denier et al. (2009), les infirmières peuvent également faire appel à plusieurs stratégies d’adaptation, comme discuter avec leurs collègues et leurs partenaires mais également en pratiquant une activité physique.

Table des matières

1 Introduction 
2 Problématique 
2.1 Pertinence de la problématique
2.2 Définition des concepts : autonomie et décision de fin de vie
3 Formulation de la question de recherche 
4 Présentation du cadre théorique 
4.1 Concepts du modèle de Calgary
4.2 Liens avec la question de recherche
5 Méthode 
5.1 Bases de données
5.2 Descripteurs et équations de recherche
5.3 Critères d’inclusion et d’exclusion
5.4 Equations de recherche documentaire
6 Résultats
6.1 Présentation des articles
6.1.1 Sahlberg-Blom et al. (2000)
6.1.2 Ganzini et al. (2006)
6.1.3 Wagner et al. (2011)
6.1.4 Starks et al. (2007)
6.1.5 Georges et al. (2007)
6.1.6 Inghelbrecht et al. (2010)
6.1.7 Denier et al. (2009)
6.1.8 Voorhees et al. (2013)
6.1.9 Dierckx de Casterlé et al. (2010)
7 Synthèse des résultats 
7.1 Impact sur les proches
7.1.1 Prise de décision
7.1.2 Impacts cognitifs
7.1.3 Impacts émotionnels
7.1.4 Impacts sur les relations interpersonnelles
7.2 Impact sur les professionnels de la santé
7.2.1 Prise de décision
7.2.2 Impacts cognitifs
7.2.3 Impacts émotionnels
7.2.4 Impacts sur les relations interpersonnelles
7.3 Rôle infirmier
7.3.1 Auprès des proches
7.3.2 Au sein de l’équipe professionnelle
8 Discussion 
9 Conclusion

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