ACS et développement socio-affectif de l’enfant
Le besoin d’autonomie de l’enfant
Vers l’âge de 3 ans, la construction de la personnalité du jeune enfant est marquée par un besoin aigu d’affirmation de soi. En effet l’enfant commence à faire une différenciation entre les désirs des autres et les siens. Il commence à montrer des signes apparents à vouloir prendre de l’autonomie. Il proclame son indépendance haut et fort par le « non » qu’il lance à l’autre, non pas en signe d’opposition, mais par besoin de se différencier. Il teste alors ses capacités à faire les choses par lui même (Bee & Boyd, 2006). Dans son ouvrage, Isabelle Filliozat (2011) explique que l’opposition ne s’installe que si les personnes qui prennent en charge l’enfant refusent la différenciation. L’enfant protègerait alors sa nouvelle et fragile identité car il désire devenir un sujet à part entière. Elle écrit également que de laisser un espace décisionnel à l’enfant lui permet de mobiliser son cerveau frontal, qui est sollicité dans toutes les situations au court desquelles il doit penser, anticiper et prendre des décisions. Entraîner l’enfant à la réflexion l’amène donc à devenir autonome et responsable (p. 77-78).
La liberté d’opinion de l’enfant fait même partie intégrante de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant qui stipule qu’il convient d’assurer à l’enfant qui est capable de discernement le droit de s’exprimer librement et d’être pris en considération, à l’égard de son âge et de son degré de maturation (Camus & Marchal, 2007, p. 9).
Erik H. Erikson, psychanalyste américain, a décrit les comportements de recherche d’autonomie comme faisant partie intégrante du développement normal de l’enfant. C’est une période durant laquelle l’enfant est centré sur la volonté d’acquérir de nouvelles habiletés qui l’amèneront à avoir d’avantage de choix mais surtout, d’avoir le sentiment d’être une personne à part entière qui a de bonnes capacités. L’expression d’indépendance et d’autonomie est manifestée différemment selon les apprentissages que traverse l’enfant. Entre la tranche d’âge d’environ trois à douze ans, l’enfant cherche à se fixer ses propres buts et teste ses compétences. Il est donc crucial de lui donner l’opportunité de s’exercer et de le soutenir dans cette démarche afin qu’il puisse garder ou acquérir la capacité de prendre des initiatives. Le psychanalyste a souligné que l’intérêt et les attitudes qu’adoptent les personnes entourant l’enfant sont décisifs dans ce cheminement (Bee & Boyd, 2006).
A la préadolescence, l’enfant peut vouloir se différencier de façon très forte car il commence à vivre une période de changements importants au niveau corporel, au niveau de la pensée, de la vie sociale et de l’identité. Les adultes doivent être particulièrement attentifs à le respecter en tant que personne dans l’évocation des problèmes éventuels afin d’éviter la tension et le conflit qui est déjà souvent synonyme de tension interne durant cette période. De plus, il commence à avoir accès à la pensée abstraite qui se caractérise par la capacité à émettre des hypothèses et à trouver des solutions (Bee & Boyd, 2006).
Un grand nombre d’auteurs s’accordent sur le fait que ces comportements manifestes de prise d’autonomie sollicitent des réponses adéquates de la part des personnes accompagnantes (Bee & Boyd, 2006). Mais alors que faire lorsque les enfants ont des comportements inacceptables ?
Les apports de l’approche centrée sur les solutions
Au Québec, un programme de formations proposé aux parents et intervenants en éducation a été mis en place pour palier à ce type de question. Plusieurs outils issus de l’approche centrée vers les solutions s’adressant à l’accompagnement des enfants de trois ans et plus y sont développés. Pour intervenir quand les enfants font des choses que nous ne voulons pas qu’ils fassent, Lucile Bouchard et Claudine Paquet (2012) exposent les points suivants comme ligne directrice lors de leur conférence :
– Intervenir en mettant en évidence les habiletés de l’enfant. Faire émerger ses points forts en ne parlant pas des difficultés mais des « bons coups », antérieurs ou présents.
– Se baser sur les capacités de l’enfant à trouver ses propres solutions.
– Accompagner l’enfant afin de susciter sa coopération en lui accordant une écoute attentive, en entrant dans sa façon de voir la chose et en gardant une attitude chaleureuse et respectueuse (p. 4 – 7).
Pour répondre au besoin d’autonomie de l’enfant lorsqu’il dépasse le cadre des comportements acceptables tout en lui signifiant la possibilité d’évolution positive, les conférencières propose une « échelle de responsabilisation » à plusieurs paliers. L’adulte demande à l’enfant de se situer sur l’échelle en fonction de son propre ressenti vis-à vis de la situation, de façon à l’amener à vivre la situation en tant qu’acteur et expert de son propre comportement. Les paliers de l’échelle partent de la reconnaissance de la faute commise pour arriver au dernier échelon qui serait le stade où l’enfant sera capable de contribuer aux apprentissages des autres enfants en les aidant à adopter des attitudes positives (http://www.parents-avertis.com/index.php?id=formations-education-jeunes&no_cache=1).
C’est souvent en s’appuyant sur les réussites et en se référant à une échelle de progrès que l’enfant peut se mettre dans une position active. En effet, cela permet d’inscrire la situation dans une perspective évolutive et motive à se mettre en mouvement pour atteindre l’objectif visé (Luisier, 2010, p. 39). Afin de définir cet objectif et que son atteinte soit mesurable, il faut travailler avec l’enfant à exprimer ses buts en termes de comportements. Pour ce faire, le questionner sur ce qui sera concrètement différent lorsque le problème ne sera plus là s’avère très utile pour l’aider à se centrer sur lui et ses attentes. L’objectif et les façons d’y parvenir sont adroitement remis aux mains de l’enfant. Il n’est pas du ressort de l’intervenant de limiter l’enfant dans ses capacités, même dans le cas où il suggère un objectif concret qu’il n’est pas sûr de réaliser. En suggérant que l’objectif visé va demander un gros travail pour être atteint, l’intervenant renforce le sens de la dignité et du respect de soi de l’enfant en situant habilement la responsabilité qui lui revient.
Dès lors, chaque progrès, aussi petit soit-il, est valorisé par l’adulte et rendu visible par l’échelle de progression. Dans le cas où l’enfant ne ferait pas ou peu de progrès, l’intervenant va orienter sa formulation de la situation sur la nécessité de continuer à travailler dur, ainsi il ne se sentira pas en échec (de Jong & Berg, 2002, p. 102 – 106). Les réussites observables permettent de gagner en estime de soi et suscitent l’envie de recommencer. L’enfant a une tendance naturelle à vouloir réussir et l’envie de faire toujours mieux s’installe rapidement et ce, malgré les difficultés rencontrées dans le contexte (Luisier, 2010, p. 39).
L’estime de soi
L’enfant se construit par un ensemble de perceptions de soi qui se développe à partir de ses expériences certes, mais surtout de l’image que les personnes de son entourage lui revoient de lui-même (Bee & Boyd, 2006). « J’existe, je suis moi, je suis connu » (Camus & Marchal, 2007, p. 17).
Cette étape de construction de l’identité est avant tout une construction dans la relation à l’autre. Il y a un rapport étroit entre l’identité social et l’identité intime. Le contact à l’autre, aux autres, permet à l’enfant d’éprouver le fait qu’il est lui-même lorsque ces expériences sont vécues dans un cadre sécurisant. Cette corrélation entre l’aspect social et le développement de l’identité de l’enfant est liée à la notion de limites. La coupure entre l’intérieur intime et l’extérieur social permet à l’enfant de se percevoir comme une individualité et l’atteinte de cette limite peut être vécue comme une menace par le sujet. Ainsi, quand l’enfant est entouré par une relation chaleureuse et empathique, il a la possibilité de développer non seulement sa propre capacité à entrer en relation avec autrui, mais aussi de développer sa réflexion, sa créativité et sa capacité à trouver des solutions (Camus & Marchal, 2007, p. 17-18).
1. INTRODUCTION |