Stratégies cognitives de traitement de l’information
Selon l’approche cognitive, l’apprentissage est essentiellement un processus de traitement de l’information. Les stratégies cognitives permettent le traitement adéquat des informations, leur mise en relation, leur intégration en mémoire et seraient les procédures utilisées pour réussir une tâche. Les stratégies cognitives concernent les processus d’enregistrement des informations (encodage), de conservation des informations en mémoire (stockage) et de rappel au moment opportun (récupération) selon le contexte. Suivant l’objectif poursuivi, ces stratégies peuvent être de différents types, ce que nous allons relever ci-dessous. Selon Legendre (2005), une stratégie cognitive est une «technique ou procédure intellectuelle choisie par une personne comme étant la plus propice à la résolution d’un problème» (Legendre, 2005, p.261). Dans un enseignement stratégique, il est crucial d’enseigner différentes stratégies pour un même objet d’étude aux élèves afin que ceux-ci se les approprient et puissent réutiliser celles avec lesquelles ils sont le plus à l’aise, et ce, dans des contextes différents. C’est pourquoi les stratégies cognitives devraient être enseignées explicitement comme tout autre objet d’étude, ce afin d’amener les élèves à coordonner et gérer leurs actions par eux-mêmes. La description habituelle des stratégies cognitives tient compte, de façon presque exclusive, des situations où l’apprenant doit traiter les informations dans le but de les apprendre. Bien que les situations scolaires requièrent effectivement une part importante d’apprentissage, cette orientation semble restrictive par rapport aux réalités scolaires et au fonctionnement cognitif. Les taxonomies élaborées jusqu’à maintenant ne tiennent pas compte des situations de performance, de production de connaissances ou d’exécution de tâches. Ce sont pourtant des situations scolaires fréquentes. Les situations dans lesquelles les apprenants doivent faire état de leurs connaissances et apporter la preuve qu’ils ont appris nécessitent des procédures ou des actions particulières, spécifiques, que ce soit pour répondre à des questions d’examens (Towns et Robinson, 1993 ; Wolfs, 1998) ou pour faire face à des situations variées d’évaluation et de production des connaissances (Cosnefroy, 1997 ; Lafortune et St Pierre, 1994). Une part importante des tâches scolaires consiste à utiliser ou à montrer la maîtrise des connaissances acquises en fonction d’exigences particulières ou dans des contextes spécifiques. Pour tenir compte de ces deux types de situations (l’apprentissage et la réutilisation des connaissances), deux catégories distinctes de stratégies cognitives sont alors proposées dans la taxonomie: les stratégies cognitives de traitement et les stratégies cognitives d’exécution.
Selon Weinstein et Mayer (1986), certaines stratégies d’apprentissage agissent directement sur les informations à apprendre. Il s’agit de pensées ou comportements qui facilitent le processus d’encodage des informations. Ce sont les stratégies cognitives de traitement. St-Pierre (1991), propose six sous-catégories de stratégies cognitives qui sont la répétition, la catégorisation, l’élaboration, la discrimination, la généralisation et la compilation de connaissances. Selon Boulet, Savoie-Zajc et Chevrier (1996), les trois types de connaissances que nous avons définis dans notre problématique se distinguent par l’acquisition, la sélection et l’emploie de ces stratégies d’apprentissage. Comme nous l’avons déjà relevé, pour Weinstein et Mayer (1986), deux types d’apprentissages peuvent être effectués en matière de mémorisation: l’apprentissage machinal et significatif.
Étant donné que pour pouvoir mesurer l’effet des stratégies au niveau quantitatif sur la mémoire des élèves, nous devons nous situer au niveau d’un apprentissage machinal qui agit directement dans l’acquisition de connaissances dites déclaratives. Cependant, le fait même que nous enseignons des stratégies aux élèves afin de les pousser à les réutiliser dans un avenir proche soutient également que nous nous situons dans un apprentissage de profondeur, mais infime à notre stade de recherche. Dans le tableau cidessous, les stratégies cognitives regroupent les comportements, les pensées, les actes et les procédures qui décrivent ce que pense et fait l’élève pour traiter l’information en vue d’apprendre et d’accomplir des tâches qui lui sont demandées. Toujours selon les mêmes auteurs, ce sont les trois premières stratégies cognitives qui vont nous intéresser dans ce travail, car ce sont elles qui agissent dans l’acquisition des connaissances déclaratives. Nous retiendrons donc les stratégies cognitives de répétition, d’élaboration et d’organisation, car elles sont susceptibles d’influencer la mémorisation des connaissances déclaratives.
La stratégie de répétition
Selon Blaye et Lemaire (2007), la répétition consiste à se redire mentalement les informations en les répétant, afin de rafraîchir les traces mémorielles pour prévenir leur déclin en mémoire à court terme. D’après Weinstein et Mayer (1986), cités par Wolfs (2001), les stratégies de répétition constituent un apprentissage par cœur qui peut s’effectuer en répétant le matériel à haute voix, en prenant des notes ou en soulignant les informations importantes du travail que l’on est en train d’effectuer. Son efficacité dépend des connaissances sur lesquelles porte la répétition. Effectivement, plus les items sont familiers aux individus, plus les performances sont élevées. D’où l’importance des connaissances préalables dans le fonctionnement des processus de mémorisation. Selon Brasseur (2000), la répétition est l’une des pratiques les plus utilisées par les enfants, et ceci dès leur plus jeune âge lorsqu’ils apprennent à parler en répétant les mots qu’ils entendent. Elle est également très prisée par les publicitaires ainsi que dans la propagande politique et dans toutes les situations où l’on recherche la persuasion. La répétition est également à la base de la mémoire procédurale qui concerne les habiletés ou les aptitudes sensori-motrices acquises par apprentissage. Elle joue un rôle important au niveau de la mémoire à long terme en consolidant l’implantation des connaissances par le biais des réactivations. Pour les jeunes enfants, la répétition a l’avantage d’exiger une attention moins soutenue que certaines méthodes nécessitant des facultés de conceptualisation et d’esprit de synthèse que ne possèdent pas les jeunes élèves. Nous trouvons intéressant de relever les résultats de l’expérience de Miller (1956) sur l’apprentissage d’une liste de mots par répétition. Ce dernier a pu constater un effet dit de primauté et de récence sur les mots retenus par les candidats. Au début de l’expérience, lorsque l’on présente la liste de mots, la MCT de l’individu est vide et a une capacité limitée. Par l’activité de répétition qui a lieu sur les premiers mots de la liste, la MCT se trouve alors très vite saturée. Cependant, les premiers mots, dus au fait de répétition, réussissent à passer en MLT, ce qui implique qu’ils sont plus vite rappelés. Par contre, pour les mots qui suivent, ceux du milieu de la liste, la MCT est saturée et le rappel est nettement moins bon. Le fait de se rappeler des premiers mots d’une liste par répétition se nomme l’effet de primauté. L’effet de récence, quant à lui, signifie le fait de se rappeler plus facilement des derniers mots d’une liste. Il n’est pas expliqué par la répétition, mais par le fait que les derniers mots sont les derniers que nous avons vus ou entendus. Contrairement aux premiers mots, les mots de fin de liste sont récupérés directement en MCT au moment du rappel.
1. INTRODUCTION |