Importance de la diversité dans la gestion des forêts
Les études sur la diversité végétale de la RD Congo sont nécessaires pour faciliter la gestion des ressources naturelles congolaises. Ceci semble être urgent vu les taux de déforestation et de dégradation que connait les forêts congolaises. C’est en RD Congo que les taux de déforestation et de dégradation de forêts sont les plus élevés des tous les pays du bassin du Congo (Ernst et al., 2010). Les forêts de la RD Congo paraissent plus ou moins intactes et préservées des perturbations anthropiques quand on les regarde sur une carte, cela n’est pas du tout vrai en réalité (Carl, 2007).L’organisation des communautés végétales, le lien entre la diversité et le fonctionnement de l’écosystème sont utiles à la fois pour les gestionnaires et les écologues. Pour le gestionnaire, il s’agit de mettre en place des stratégies efficaces de préservation de la biodiversité. Pour l’écologue, il s’agit de chercher des réponses aux questions majeures dont certaines ne sont toujours pas résolues à l’heure actuelle (Morneau, 2007). Connaître le rôle respectif des mécanismes à l’origine de la diversité spécifique est une étape importante pour la gestion et la conservation des communautés d’arbres au sein des écosystèmes (Blanc et al., 2003). La mesure de la diversité est d’importance capitale pour la recherche écologique et la conservation de la biodiversité (Lu et al., 2007).Le scientifique peut chercher à trouver quel site est plus diversifié que l’autre et quelles en sont les causes. Les résultats de la recherche pourraient ainsi constituer une base solide pour les gestionnaires. La recherche scientifique est sollicitée en vue de mettre en place des bonnes orientations en matière de gestion des écosystèmes forestiers (Nguinguiri, 1998). Une bonne gestion des forêts requiert tout d’abord une meilleure connaissance de sa composition et de son fonctionnement. Selon Lenoir (2009), il est mieux de concentrer plus d’efforts de gestion sur les sites des hautes altitudes car ils constituent les plus souvent des zones de refuges pour les espèces végétales et animales et sont aussi très fragiles.
Hypothèses expliquant la diversité végétale
Plusieurs théories ont déjà été proposées afin de comprendre comment la diversité est régie dans les écosystèmes forestiers tropicaux et tempérés (Veut et al., 1997; Wright, 2002 cités par Nieves-Hernández et al., 2009). En 1978, Connell avait regroupé ces théories en 2 ; celles qui reposent sur l’état de non-équilibre et d’autres qui reposent sur l’état d’équilibre des écosystèmes. Dans la première théorie, l’auteur cite l’hypothèse de perturbations intermédiaires, celle des chances égales et en fin, celle du changement graduel. La deuxième théorie regroupe l’hypothèse de la diversification des niches, celle des réseaux cycliques et en fin, l’hypothèse de la mortalité compensatoire (appelée hypothèse d’échappement par Blanc et al., 2003).Selon l’hypothèse de perturbations intermédiaires, la diversité est grande quand les perturbations que connait l’écosystème ne sont ni grandes, ni faibles, quand elles sont intermédiaires. L’hypothèse de l’égalité des chances suppose que toutes les espèces ont la même chance pour la colonisation d’un milieu ouvert. Pour l’hypothèse de changement graduel, il s’agit par exemple des conditions environnementales telles que le climat et les saisons qui peuvent expliquer la raison d’existence ou d’absence des espèces. L’hypothèse de la diversification des niches suppose que la coexistence de plusieurs espèces est expliquée par la variation des ressources et des conditions dans le milieu. Plusieurs écologues partagent l’idée selon laquelle : « le concept de niche apparaît comme devant être un moyen explicatif de la diversité des espèces et de la structure des écosystèmes » Pocheville (2010). L’hypothèse des réseaux cycliques s’explique par le fait que l’espèce A, élimine l’espèce B mais qui est à son tour éliminée par C. Cette hypothèse est mieux élucidée par les notions d’ombrage, de compétition racinaire et d’allélopathie. Enfin la mortalité compensatoire est expliquée par le fait qu’une espèce peut donner plusieurs pieds jeunes mais un taux élevé de mortalité réduit sa population. En effet, la coexistence de plusieurs espèces végétales en un même endroit soulève un problème car elles sont censées partager les mêmes ressources. Or, selon le principe « d’exclusion compétitive » (Gause, 1934 ; Hardin, 1960 cités par Isselin-Nondedeu 2006), si des espèces partagent une même ressource essentielle à leur développement, elles se trouvent alors en situation de compétition interspécifique dans laquelle, seule une espèce l’emportera. L’espèce gagnante constitue souvent des plaques mono-dominantes. Selon Morneau (2007) il reste difficile voire impossible de déterminer la niche d’une espèce. Cela reviendrait à déterminer la réponse de l’espèce vis-à-vis de l’ensemble des conditions et ressources nécessaires pour elle. Même en ne se consacrant qu’aux principales ressources, voire à une seule, l’exercice devient impossible quand il y a de nombreuses espèces qui, de surcroit, n’ont pas les mêmes besoins et limites selon leurs stades de développement, comme dans le cas des forêts tropicales. Cette étude est basée sur la théorie d’état d’équilibre selon l’hypothèse de la diversification des niches.
Altitude et diversité végétale
Au lieu de considérer la niche dans son entièreté, la plupart d’études s’intéressent à l’habitat des espèces, plus simple à décrire par un ensemble de variables du milieu ; c’est ce que nous avons choisi de faire dans ce travail. Les variables prises en compte peuvent être des ressources ou non. Selon Morneau (2007) l’altitude est une variable non-ressource qui est pertinente pour décrire l’habitat d’une espèce et elle regroupe un ensemble des conditions et de ressources constituant autant d’axes de la niche. L’altitude est étudiée dans ce travail pour voir son impact sur la diversité végétale de la strate arborescente dans les forêts à Julbernardia seretii à Uma en RD Congo. Ce site est caractérisé par des inselbergs sur lesquels Julbernardia seretii s’installe le long d’un gradient altitudinal.
Selon Delnatte (2010), le gradient altitudinal est complexe car il est un résultat de la combinaison de plusieurs facteurs écologiques regroupés en trois catégories :
Climatiques: diminution de la température, diminution de l’évapotranspiration, augmentation de la pluviosité et de l’humidité relative, augmentation de l’effet du vent. Edaphiques: augmentation de la quantité d’eau disponible, diminution de la vitesse de décomposition de la litière ; d’où, augmentation de matière organique et diminution du PH due à l’accumulation des acides organiques. Biotiques: modification de la densité, de la physionomie, de la composition floristique, de la diversité spécifique, de l’architecture, de l’indice de la surface foliaire (LAI : Leaves Area Index), …
Etat de la question
Les forêts sont toujours en étroite relation avec les facteurs édaphiques et physiographiques du milieu. Les facteurs environnementaux dont l’altitude et les facteurs édaphiques permettent de comprendre en partie l’architecture des forêts (Fournier et Sasson 1983). C’est ainsi que sur une petite surface on peut trouver des peuplements forestiers qui présentent des différences en structure, composition floristique, densité et diversité végétale. Selon Lyagabo (2012), les 3 grands types forestiers de Uma semblent s’installer suivant un gradient altitudinal. Le gradient altitudinal a été évoqué par Quense (2011) au Chili qui a montré que la végétation de montagne est plus vulnérable aux changements climatiques que la végétation de basse altitude. Le gradient altitudinal est fortement lié à la notion de température, ce qui est à la base de différences importantes dans la composition floristique, structurale des peuplements forestiers le long de ce gradient. Plusieurs auteurs ont fait l’étagement de la végétation selon le gradient altitudinal (Mühlenberg et al., 1994 et Quense op.cit.). De la même façon que les formations végétales varient sur un gradient altitudinal, la diversité aussi suit cet étagement (Lenoir, 2009). Cet auteur a trouvé qu’en général les espèces végétales et animales commencent à remonter vers les altitudes supérieures suite aux effets de réchauffement conduisant ainsi à une forte diversité à ces altitudes.Dans la forêt amazonienne, aux Andes et au Mexique, la diversité décroit avec l’altitude (Bush et Flenley, 2007). De même, l’altitude est corrélée négativement à la richesse spécifique à Puerto Rico (Gould et al., 2006). Delnatte (2010) a trouvé en Guyane Française que la diversité spécifique des différents groupes étudiés (Melastomatacées, Ptéridophytes et Palmiers) ne répondait pas de la même façon selon les gradients altitudinaux et les 6 massifs étudiés. Pour cette étude, l’altitude était comprise entre 200 m et 700 m. La diversité spécifique des Melastomatacées a tendance à augmenter avec l’altitude. Pour les Ptéridophytes, la diversité atteint son pic aux altitudes médianes. Enfin, la diversité spécifique de palmiers est grande dans les altitudes basses et hautes (600 et 700 m) alors qu’elle diminue aux altitudes moyennes.