Trajectoire intellectuelle de l’institution africaine d’évaluation, entre dynamique interne et externe
Les débats internationaux sur la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) ont révélé le besoin pour les pays africains de mettre en place un mécanisme de revue par les pairs afin d’évaluer les performances des Etats en termes de gouvernement. Innovation importante du NEPAD, le « peer review mechanism » emprunte dans une large mesure au système de surveillance des pairs initié par les pays de l’OCDE depuis plus de quatre décennies et s’inscrit dans la dynamique de redéfinition ou d’élargissement d’une approche nouvelle de coopération en faveur des politiques de développement. C’est dans ce cadre qu’on peut appréhender dans les lignes ultérieures, le « mécanisme africain » comme une « machine de légitimation » basée sur le modèle de l’évaluation des pays dans le système international, en particulier dans son ordonnancement et moins dans son élaboration et son déploiement.
Le « peer review » et le caractère instrumental des modèles d’évaluation des pays dans le système international
Depuis l’adoption du NEPAD par l’UA en tant que cadre intégré du développement socio-économique de l’Afrique, l’OCDE par le biais de son centre de développement essaie de suivre de très près les initiatives du programme africain en apportant des informations essentielles au « mécanisme africain d’examen par les pairs ». C’est dire que les leaders africains tentent d’adapter l’organisation européenne aux terrains africains.
Les antécédents avec l’OCDE et les institutions financières internationales
Le nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique emprunte largement sa méthode d’évaluation à celle de l’examen par les pairs qui constitue vraisemblablement un instrument de coopération à l’échelle mondiale. Cet outil d’appréciation des performances des Etats est au centre des dispositifs de coopération internationale à l’OCDE. Cette pratique est importante et permet aux Etats membres d’améliorer leur gestion de l’action publique. En effet, dans le cadre de l’Union Européenne, le consensus de Monterrey a donné lieu à un processus évolutif qui s’appuie sur des partenariats responsables. Cette surveillance réciproque peut constituer un instrument efficace et majeur d’amélioration des performances à court, moyen et long terme. En s’appuyant sur l’étude réalisée par Fabrizio Pagani , la notion d’examen par les pairs peut être considérée comme l’examen et l’évaluation systématiques de la performance d’un Etat par d’autres Etats au sein d’une communauté partageant des valeurs communes, l’objectif dans ce type d’exercice est d’aider l’Etat soumis à l’examen à améliorer ses politiques de gestion publique, à adopter des pratiques optimales et à se conformer à des normes, principes établis et acceptés par l’ensemble des pays membres. Il y a donc ici une dimension symbolique d’amitié dans le processus. Elle repose manifestement sur la confiance mutuelle des Etats qui y participent et sur leur confiance commune dans le processus. Lorsque l’examen par les pairs est réalisé dans le cadre d’une organisation internationale – ce qui est souvent le cas – le Secrétariat de cet ensemble est associé au processus en jouant un rôle important pour la facilitation et la stimulation de celui-ci. Compte tenu de cet ordonnancement, les examens par les pairs contribuent généralement à l’instauration, grâce à ce processus d’évaluation réciproque, d’un système de reddition mutuelle de comptes. Ce qui est vrai pour le NEPAD dont le secrétariat de l’organisation continentale basé à Pretoria encourage l’évaluation africaine par son soutien administratif et par le rôle de son responsable.
L’évaluation des pays dans le système international
L’examen par les pairs est certes une base de travail surtout caractéristique de l’OCDE, cependant elle sert également de méthode dans plusieurs autres programmes internationaux. C’est le cas dans les organisations spécialisées des Nations Unies, où les Etats ont recours à des examens mutuels pour le suivi et l’évaluation des politiques nationales dans divers domaines, allant de l’environnement à l’investissement. Et il n’en est pas moins pour les bailleurs de fonds qui empruntent cette méthode de travail. Le dispositif de surveillance du FMI s’apparente aussi, par certains aspects, à un mécanisme d’évaluation des pays. Dans ce cadre, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a mis en place la revue des pairs en initiant le mécanisme d’examen des politiques commerciales dont le but est de favoriser le suivi des politiques et pratiques des Etats membres en matière d’échanges. Elle a institué une organisation spécifique pour veiller à cette mission. Celle-ci se réunit pour étudier les politiques du membre examiné et le secrétariat établit un rapport. L’examen est conduit par deux pays examinateurs. Le processus s’achève par la remise des conclusions du président, qui sont ensuite publiées, ainsi que les documents exposant la politique du pays examiné, le rapport du secrétariat et le procès-verbal de la réunion.
Au niveau européen, la technique des examens mutuels est utilisée dans plusieurs domaines. Ainsi, au sein de la Commission européenne, la direction générale de l’emploi et des affaires sociales organise des examens réciproques des politiques nationales du marché du travail afin de recenser les meilleures pratiques et d’étudier les conditions dans lesquelles celles-ci peuvent être reproduites ailleurs. Toutefois, dans aucune autre organisation internationale la technique de l’examen par les pairs n’est aussi largement utilisée qu’à l’OCDE, où son application a été facilitée par l’homogénéité de ses membres et la confiance mutuelle qu’ils se portent. Cet organisme international a eu recours à cette méthode dès sa création et celle-ci a pris de la consistance au fil des ans, en s’étendant à la majorité des domaines intéressant les politiques publiques sur lesquels portent les travaux de l’institution. A l’intérieur même de l’OCDE, bien que des examens réciproques soient réalisés dans plusieurs domaines, il n’existe pas en la matière de standard. Cependant, tous les processus d’examen mutuel intègrent, dans leur structure, les éléments suivants, sur lesquels il est important de revenir sommairement pour comprendre le système d’évaluation des pays dans les organisations internationales. Tout processus d’évaluation repose sur un acte fondateur, un ensemble convenu de principes, normes et critères d’évaluation de la performance des pays, la désignation d’acteurs auxquels il incombe de mener à bien l’examen, un ensemble de procédures conduisant à l’élaboration du résultat final.