L’aménagement touristique « durable », une ardente obligation
Dans une recommandation au Conseil des ministres et à la Commission prise en septembre 2005, le Parlement Européen place le développement touristique au cœur des stratégies de développement durable et le définit comme une priorité de tout premier plan pour les politiques publiques territoriales des états européens . Pourtant, avec la globalisation, nombreux sont ceux qui, dans les pays capitalistes des années 90, avaient tourné leur regard vers le marché en pensant qu’il serait dorénavant le grand ordonnateur de tout développement et, désormais, la seule référence de l’intervention publique. C’était faire fi de l’effet de levier que constitue encore pour demain le tourisme durable dans l’aménagement du territoire.
Le développement touristique traditionnel a longtemps fonctionné sur un modèle de croissance extensif lui-même basé sur l’augmentation constante du nombre de visiteurs (indépendamment de la capacité d’accueil des territoires) et la priorité des bénéfices à court terme. Son paradigme a souvent reposé sur une offre banale, consumériste et standardisée, peu liée aux cultures et traditions locales. Les conséquences de cette économie apparaissent vite dans la forte pression qu’elle fait peser sur l’environnement en termes de détériorations et de pertes irrémédiables des qualités paysagères des territoires de destination. En effet, entre les divers modèles qui ont présidé à l’aménagement touristique en Europe même, celui qui a prédominé depuis cinquante ans en Italie, en Espagne et en France est un tourisme de masse basé sur une offre standardisée de produits touristiques qui ont permis de gérer la demande d’un nombre élevé de touristes. Ce tourisme de masse a généré une croissance économique très forte sans prendre toujours bien en considération ni l’usage rationnel du territoire ni la conservation des systèmes naturels. En face de ce modèle touristique sans contrôle, une revendication s’est peu à peu faite jour au sein des sociétés exigeant un tourisme « soutenable » qui rende le développement de l’activité compatible avec le respect de la préservation des espaces naturels, des cultures et des sociétés.
Les sociétés modernes ont pris lentement conscience que la dépendance d’un territoire vis-à-vis du seul marché touristique, sans politiques publiques qui permettraient de le contrôler et de l’encadrer, reproduit sans coup férir les avatars propres à une économie de consommation avec son lot de gaspillages et d’atteintes irréversibles sur l’environnement social, culturel et naturel. Ce que souhaitent dorénavant les sociétés locales, c’est un contrôle par les citoyens du développement de leur territoire par le biais de politiques publiques participatives. Ce mouvement touche au premier chef la définition des politiques de loisirs : la pratique et l’usage des espaces géographiques, revendiqués par les sociétés et de plus en plus de touristes, s’insèrent dans l’approfondissement de la démocratie et de ses institutions.. Depuis 1946, en France comme en Europe, l’histoire récente des politiques publiques renforce l’idée selon laquelle seule l’insertion du tourisme dans un projet local et maîtrisé dans le temps en rend les contraintes acceptables : non seulement d’un point de vue environnemental mais également « durable ». La revendication forte de sa gestion démocratique fonde le nouveau paradigme de l’aménagement touristique.
L’essentiel aujourd’hui n’est plus seulement, comme dans les années 1970 -1990, de suivre et satisfaire la demande en programmant localement une offre d’hébergements ou de produits standardisés, mais de maîtriser de cette demande. Pendant un siècle, l’espace et l’énergie étaient en abondance et bon marché. De nos jours, les sociétés sont tenues de mettre en place des modes de consommation plus efficaces non seulement à cause d’une pénurie de ressources, mais en raison de contraintes socio environnementales plus larges : bruit, pollution, appauvrissement des liens sociaux, perte des particularités et des identités culturelles. Les aménageurs touristiques sont appelés à participer et plus encore sans doute à anticiper les changements des comportements des producteurs et des consommateurs pour maintenir les grands équilibres qui fondent la démocratie. L’idée d’une pratique touristique plus économe de son espace et de son énergie et qui transformerait ainsi notre conception de la croissance économique fait peu à peu son chemin.
D’autres manières d’envisager l’administration du tourisme en Europe
En Espagne, comme dans les pays à structure centrale (Grande Bretagne) le schéma était similaire au schéma centralisé – puis décentralisé – français. Un Ministère des Transports, du Tourisme et de la Communication qui comprenait le Secrétariat général du Tourisme, lequel finançait un Institut national de promotion financé à 100 % par l’Etat, une Direction Générale de Politique Touristique qui régit l’Institut d’Etudes Touristiques et des Offices Nationaux du Tourisme. Mais les politiques d’aménagement touristique relèvent depuis 1982 des Communautés Autonomes (Diputacion Autonomia : région) qui légifèrent dans le domaine de l’offre et de l’encadrement de la demande, des Provincias (départements) et des comarcas (communautés de communes-pays). La structure fortement décentralisée du tourisme peut désormais être considérée comme dépendant entièrement des Communautés autonomes.
Les structures italiennes du tourisme ont été très tôt décentralisées et leur fonctionnement varie du fait des compétences étendues des régions. Si la loi-cadre du 17 mai 1983 donne à l’Etat une assise législative au tourisme et favorise un rééquilibrage territorial en faveur du Mezzogiorno, l’article 117 de la Constitution italienne confie a contrario la compétence touristique à la Région, instituée en 1976. Le Gouvernement, par le biais du ministère du Tourisme, exerce pour sa part ses fonctions d’orientation et de coordination jusqu’en 1993 par l’intermédiaire de deux organismes collégiaux : le COMITE DE COORDI¬NATION POUR LA PROGRAMMATION TOURISTIQUE qui définit les grandes orientations de la programmation touristique, et le COMITE DE CONSULTATION NATIONALE où sont représentés les professionnels et experts. Ces fonctions ont pris fin en 1993, puisque le ministère du Tourisme a été supprimé par référendum. La loi cadre de 1983 a permis aux régions qui le souhaitaient de légiférer au sein des cadres juridiques institués par l’Etat. Toutes ne l’ont pas fait. La Toscane, par exemple, région touristique par excellence, ne s’en est vraiment préoccupé qu’en 1988. Cette région a ainsi institué 35 entités juridiques chargées du tourisme sur son territoire (équivalents de gros offices de tourisme). Mais ce système, très éclaté a présenté de telles inconvénients pour la coordination des efforts de promotion que la Toscane est aujourd’hui obligée de revoir ce système en créant 15 zones « homogènes ». De plus, chaque région étant découpée en provinces, ces structures prennent actuellement la place institutionnelle qui avait été donnée en 1980 aux Associations Intercommunales (celles-ci étaient surtout marquées, dans certaines régions, par la volonté de ne pas s’organiser sur le plan technique). La Loi de 1983 a également institué la création dans chaque région d’Agences de promotion touristique (AZIENDE DI PRO¬MOZIONE TURISTICA). Ces A.P.T. sont responsables de l’information (mailings, fichiers et accueil ; fourniture de matériel d’information) et de la promotion (garantit l’unité d’image de chaque site touristique). Actuellement, les régions italiennes ont une compétence sur les structures réceptives. Cependant, chaque région peut transférer cette compétence à une collectivité de rang inférieur : ainsi la Toscane a-t-elle transmis à la commune sa compétence pour le classement des structures d’hébergement, la mise en œuvre de sa politique de gestion et de développement touristique, ne gardant que sa compétence statistique – qu’elle partage d’ailleurs avec l’Etat. L’ENTE NAZIONALE ITALIANO PER IL TURISMO (ENIT), agence centrale créée en 1919, est par ailleurs toujours chargée de toute la promotion du tourisme italien à l’étranger (l’ENIT est l’équivalent de Maison de la France).