Influence des religions sur le comportement moral de leurs fidèles

SORTIR DES RELIGIONS

Je ne puis résister au plaisir de citer dans son intégralité ce propos d’Alain intitulé « Les Contes » qui constitue un abrégé particulièrement pertinent de certains des développements précédents:
« La religion est invincible par l’absence de preuves, et même de la vraisemblance ; ainsi toutes nos sages preuves contre, tirées de science peseuse et mesureuse, tombent dans le vide. Contre les passions et l’imagination, qui toujours déraisonnent ensemble, il faut des faits bien clairs et positifs ; et c’est ce qu’on ne peut pas toujours faire constater à un malade imaginaire, à un plaideur, à un jaloux ; chacun se bouche les yeux plutôt que de renoncer à une erreur adorée ou abhorrée ; la peur, comme on sait, donne le même genre d’aveuglement que le désir. Mais enfin, dans les choses de ce monde, on peut toujours espérer quelque occasion de constater, qui remettra l’esprit en équilibre. Au lieu que sur l’enfer ou sur le paradis, que pourrais-je constater ? Et sur des évènements vieux de vingt siècles, que puis-je savoir qui soir communicable comme sont communicables la géométrie et la physique ? Il faut que les passions, l’imitation, l’autorité décident de tout, formant une sorte de manie collective, et cohérente en son intérieur. Et j’y vois cette différence avec les fous à proprement parler, c’est que les fous ne veulent pas y aller voir, et règlent dans leur pensée les questions de fait, au lieu que les croyants ne peuvent pas y aller voir, vivant sur des faits qui ne sont point des faits. Le doute est l’état naturel de celui qui manie des preuves. Mais dés qu’on ne peut espérer de preuves, le doute est une maladie dont on se guérit par serment. Je ne dirai donc pas qu’un homme peut tout croire, c’est trop peu dire. Le vrai est que l’absurde est ce qui est le plus fermement cru.
Et encore je ne compte pas les heureux effets. Si un chapelet dit selon le rite apaise les soucis et les scrupules, et conduit à un paisible sommeil, voilà un fait que je ne puis nier, et que même je comprends très bien. Et si la position d’un homme à genoux le rend plus facile à lui-même, moins enragé de vengeance, en tout plus équilibré et plus humain, la plus simple physiologie m’avertit que je devais prévoir cela. La passion d’un homme couché n’est pas de courir ; et la même bouche ne peut en même temps prier et menacer. Ce sont là des exemples tout simples. Il y a bien plus. Il y a des moments sublimes qui, semblables à un manteau, nous donnent un peu de majesté et de paix. Il y a les cortèges et les cérémonies, qui disposent énergiquement le corps humain selon une sorte de grandeur, qui se communique naturellement aux pensées. Il y a la musique, qui agit encore plus subtilement, et, par le chant, sur les viscères mêmes. Et ce n’est pas trop supposer que de prêter à la Bible le même genre de puissance qu’à un beau poème. D’où il résulte que le croyant se sent récompensé de croire, et se trouve attaché, par des liens de reconnaissance à des légendes et à des rites si bien taillés pour lui, si agréables à porter. Ajoutons qu’il est toujours pénible de penser selon la rigueur, que c’est souvent dangereux, que c’est parfois impossible. Qui jugera son bienfaiteur ? Qui jugera ses parents ? On craint donc les jugeurs, on les évite. On se passe donc très bien de penser.
La situation étant telle, je fus et suis encore assez content de ce que je répondis à un camarade soldat, évidemment de bonne foi. « Qu’est-ce que vous pensez, me demanda-t-il de Dieu le Père, de Jésus-Christ, du diable et de tout ça ? » Nous faisions notre petite lessive à l’abreuvoir, non sans guetter du coin de l’œil l’adjudant, qui ce jour-là trouvait tout mauvais. Que pouvait répondre l’esclave à l’esclave ? Je lui dis : « Ce sont de beaux contes. On ne se lasse point des beaux contes. Cela fait comme un autre monde où la bonne volonté triomphe à la fin. Un monde selon nos meilleurs désirs. Ce sont des récits faits à notre forme, et qui conviennent dans les moments où le monde est trop dur. L’esclave alors oublie d’être méchant. Il revient à la vérité de l’enfance. Il se dispose selon la confiance et l’espoir. Et quoi de mieux ? Personne certes ne dira que les contes sont vrais ; mais personne non plus n’osera dire qu’ils sont faux. ».Avec son indulgence philosophique Alain ne voit que le bon côté des choses, mais il existe des perspectives plus sombres. Imaginez, ce qui n’a rien d’invraisemblable, que dans deux ou trois générations il y ait en France 50% de musulmans. Le taux de fécondité honorable observé en France semble dû en effet aux populations fraichement immigrées. Le français de souche, celui dont les racines plongent dans les provinces françaises est une espèce en voie de disparition, comme ses homologues allemands, espagnols ou italiens. Verrons-nous dans nos rues des femmes voilées côtoyer des femmes vêtues de transparences ? Devrons-nous tous manger de la viande Halal quand on sait que le mode d’abattage correspondant fait inutilement souffrir les animaux ? La République s’incline une fois de plus devant les religions en n’interdisant pas purement et simplement cette pratique dans les abattoirs français. Comment pourront s’accorder ceux qui veulent une justice qui comprend et qui répare et ceux qui rêvent d’instituer la charia ? A peine sorti d’une confrontation avec l’obscurantisme de la religion imposée à nos pères, avons-nous vraiment envie de nous colleter avec l’obscurantisme d’une religion qui nous est étrangère ? Avons-nous vraiment envie de faire un bond en arrière de plusieurs centaines d’années? Personnellement je ne mettrai plus jamais les pieds dans un pays dominé par quelque intégrisme que ce soit. Faut-il pour autant interdire aux musulmanes le port du voile ? C’est oublier qu’il n’y a pas si longtemps, dans nos campagnes, une femme se serait sentie très malheureuses de devoir sortir tête nue. Beaucoup de femmes craignent le regard des hommes, ou peut-être l’absence de regard… Pour se protéger certaines femmes élégantes ont eu recours à la voilette ou aux mouches qui distraient le regard. Compte tenu de la facilité des déplacements, les races et les religions sont condamnées à se côtoyer. Sont-elles pour autant condamnées à se mélanger ? Entre deux races ou deux religions, il y a une différence de potentiel qui engendre presque toujours des orages. Si races et religions restent séparées, il y aura éventuellement des orages aux frontières, mais si elles se côtoient, il y a un risque de guerre civile, ce qui est pis. Les races peuvent se mélanger. Les religions ne fusionnent pas, la seule exception connue étant la religion chrétienne où coexistent des apports juifs et des apports égyptiens, entre autres.

Le premier qui dit la vérité Il doit être exécuté Guy Béart

Quant à l’influence des religions sur le comportement moral de leurs fidèles, nous avons vu qu’elle est assez faible. Les thèses de Freud, en grande partie confirmées par l’étude du fonctionnement du cerveau permise par les nouvelles technologies, rendent surannées les conceptions éthiques traditionnelles, mais ne modifient que très lentement les opinions, les mœurs et les lois. La criminalité extrême est, malgré une répression féroce, plus importante dans un pays comme les Etats-Unis où la religion joue encore un grand rôle que dans un pays apparemment déchristianisé comme la France. La science et la raison fondent plus sûrement la morale que toutes les religions réunies. Il n’y a jamais eu de criminels dans les rangs des véritables hommes de science alors qu’ils ont abondé dans les rangs des hommes d’église, prêcheurs de toutes les croisades, inquisiteurs sans pitié, complaisants avec les puissants, tolérant toutes les injustices quand elles s’appuient sur la force ou qu’elles leur sont profitables… Personne n’a jamais été poursuivi pour refuser d’ajouter foi à la loi d’Ohm (sauf s’il s’agit d’un technicien responsable de ce fait d’une catastrophe) car l’expérience suffit à instruire, mais, à l’opposé, comment obliger un individu réticent à reconnaître la vérité d’un dogme ou à satisfaire à une obligation rituelle sans utiliser la contrainte et, si nécessaire la violence, seules capables de valoir à ces « systèmes d’opinions bizarres » les marques extérieures de respect ? La seule persuasion est de peu d’efficacité quand elle se heurte à un esprit ancré dans ses certitudes métaphysiques, lesquelles lui sont d’autant plus chères qu’elles font partie des fondations de son édifice intellectuel. C’est ce qui explique la longue connivence de l’Eglise avec tous les régimes autoritaires, empires, monarchies absolues et toutes les variétés de fascisme, en dehors du fait que sa propre organisation paraît calquée sur la leur. C’est dans un tel contexte qu’elle est née et c’est là qu’elle se sent le plus à l’aise. En grande pompe elle continue donc d’enterrer les tyrans, même les plus déplorables. Les religions, particulièrement les religions monothéistes, qui projettent si bien sur terre l’esprit tyrannique qui selon elles règne au ciel, bien loin d’être une solution, sont devenues pour le monde un problème, comme nous pouvons le lire à longueur d’année dans les journaux. Les religions ne sont indispensables que pour ceux qui en font leur métier, ou qui les utilisent comme alibi. D’ailleurs un grand nombre d’individus ont déjà appris à s’en passer et ne s’en trouvent pas beaucoup plus mal.

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