Les cordons et les murettes
Ce sont là les formes d’une technique élaborée qui demandent un investissement humain important et qui répondent à des besoins en terres cultivables dans des situations particulières de pénurie d’eau ou du sol. La région d’Oulmes est relativement bien arrosée, mais elle n’est pas bien dotée en terres favorables à l’extension des cultures. Pourtant, ces techniques ne sont pas très connues, compte tenu du rôle secondaire que l’agriculture jouait dans l’économie de l’exploitation.
Les cordons
Le long d’un petit versant, des parcelles disposées en gradins sont séparées par de petits talus. Ces derniers sont, en fait, des cordons de pierres construits au fur et à mesure que l’exploitant avance dans l’épierrage de son champ. Ils sont l’œuvre du propriétaire qui, en plus d’être un agriculteur éleveur, est un artisan spécialisé dans le travail du bois et la réparation des fusils de chasse. Après des études universitaires non achevées et un bref séjour dans le Rif, il est retourné au pays pour s’occuper de l’exploitation familiale. C’est au cours de son expérience rifaine qu’il a été sensibilisé à la nécessité de sauvegarder le sol par ce type d’aménagement. Ces cordons mis en place ont été efficaces puisqu’ils ont permis, dit-il, « de retenir les sols et d’engraisser la parcelle ».
Les murettes
Nous avons relevé une situation qui correspond à un petit périmètre irrigué à partir de la source de Ain Lhammam, au sud de Tiddas. Les eaux sont captées au niveau de trois bassins aménagés dans les années trente et conduites vers les parcelles, situées sur les deux versants du vallon, par deux seguias prolongées par des tuyaux en plastique. Sur le versant de rive droite, les parcelles sont appuyées sur des murettes construites en pierres sèches de plus d’un demi-mètre de hauteur et dominées par une ligne d’arbres fruitiers : figuier, grenadiers. Sur le versant de rive gauche, les parcelles étagées sont bordées par un talus sans mur de soutènement. Dans un premier temps, le terroir était tenu par les Ait Rbaa, groupe de familles originaires du sud du Maroc qui travaillaient comme tenanciers au quart, au profit des propriétaires Hakmaoui3, originaires du douar Ait Mhmmed ou Haddou. C’est un terroir reconnu pour avoir été occupé avant les Ait Alla par des communautés Sehoul4. Actuellement, il est en partie abandonné et seules les parcelles du versant rive gauche continuent à être travaillées.
Les banquettes et les impluviums
Ils sont utilisés par les exploitants qui adhérent à une intervention de l’État dans le cadre de la DRS ou du PMVB. Ce sont des techniques qu’on retrouve aussi sur les terres de certains exploitants qui, de manière volontaire, ont choisi de transformer des terres de parcours ou à céréales en terres plantées. Il s’agit d’exploitants qui possèdent suffisamment de terres au niveau d’un même versant et qui disposent de moyens d’investissement. Dans le cas du domaine moderne de la société Arbor à Oulmes, l’amont du versant de Tizin Lkenz, qui domine la ferme, était traité pour parer aux risques d’érosion hydrique par la plantation d’arbres et le captage des eaux de ruissellement au niveau de petits bassins situés plus en aval. Les premiers amandiers plantés du temps de la colonisation ont été remplacés par des jujubiers et noisetiers. Actuellement, cette partie amont du versant paraît nue, ce qui laisse supposer que la société a procédé à de nouveaux arrachages pour le rajeunissement des plantations5.Dans le terroir Al Ghaicha, situé sur les bordures du Bouregreg, au sud de Tiddas, des plantations d’oliviers et d’amandiers sont créées sur des banquettes confectionnées le long d’un versant. Elles sont l’œuvre d’un restaurateur citadin, héritier du chef d’exploitation décédé, et qui a pour projet de revenir, à l’âge de la retraite, s’installer sur les lieux. Les lignes des arbres plantés depuis trois ans sont séparées par des bandes de terres cultivées en céréales. L’état non raviné du versant concerné, comparé à d’autres versants situés dans le même secteur, laisse supposer que les plantations, même si elles ne sont pas bien réussies, limitent les risques de dégradation des terres.
Les parcelles curvilignes
Les divisions foncières reflètent non seulement les formes d’appropriation du sol mais également les contraintes techniques et de gestion des terres vouées à l’agriculture et/ou au parcours. La prédominance des parcelles en lanière est le résultat d’une dynamique conditionnée par les partages successoraux des biens familiaux. Ces partages tiennent compte de la répartition des sols le long d’un même versant et des pratiques de labour dans le sens de la pente qu’imposait la simplicité des moyens techniques utilisés, un procédé qui favorise l’érosion hydrique contre laquelle certains paysans luttent. Ces derniers remplacent les formes en lanière par un dispositif de parcelles qui épousent le sens des courbes de niveau et rendent facile le labour dans le sens contraire de la pente. Sur les versants, ces parcelles sont bordées par un ados en terre, parfois renforcé par un alignement de pierres, alors que sur les terrasses alluviales, une rangée d’arbustes marque la limite entre ces parcelles et la berge de l’oued.