La thérapie par des helminthes

Helminthes : allergiques ou anti-allergiques ?

Les helminthes induisent majoritairement une forte réponse Th2 chez l’homme [80, 240,254]. De plus, tout en empêchant le développement d’une réponse Th1, les helminthes limitent le risque d’observer une réponse Th2 excessive… d’o ù l’idée de les utiliser comme immunomodulateurs. Alors les helminthes ont-ils un potentiel antiallergique ?
Les helminthes sont suspectés de soutenir certaines atopies, par l’induction d’IL-4 menant au développement accru de cellules allergisantes de la voie Th2 [80]. Les taux d’ éosinophileset de mastocytes activés élevés, peuvent augmenter l’inflammation ed type allergique. L’irritation mécanique, par la migration larvaire, de sites d’inflammation allergique (dans les poumons, ou le tractus digestif), pourrait également augmenter l’expression d’une atopie. En effet, la réponse inflammatoire induite au niveau de ces sites, rend le système immunitaire plus sensible aux allergènes présents (qui seront détectés et présent par les CPA).
Certains produits d’helminthes agissent directement comme des allergènes (par exemple Anisakis simplex) [80]. Il existe certains exemples dans lesquels l’infection par les helminthes est associée à une augmentation de l’allergie [80], cependant la plupart des études suggèrent l’opposé.
Une étude a montré que la présence d’IL-10 dans lesérum de patients infectés par des schistosomes était associée à un test allergique négatif [305]Ces. résultats suggèrent que l’IL-10 (sécrété pars le lymphocytes Treg et les CPA) est sécrétée en réponse à une infection helminthique chronique et interfère avec les mécanismes effecteurs de l’allergie (dégranulation des mastocytes, prolifération des lymphocytes Th2). Lors de l’infection de la sou ris par différents helminthes, la réponse allergique est supprimée et associée à la présenced’IL10 et de lymphocytes Treg [80].
D’autres mécanismes sont impliqués dans la réduction de la réponse allergique [80] :
– induction de macrophages « alternatifs » : supprimerait les fonctions des lymphocytes T
– hypothèse peu probable des IgE bloquées : protection contre la dégranulation des mastocytes et des basophiles par saturation des sites de clivages de ces cellules aux IgE ; de ce fait les IgE spécifiques de l’allergène ne pourraient pas agir.
– induction de cellules B immunosuppressives
Les méta-analyses des données publiées arrivent à al conclusion que certains types d’helminthes favorisent l’exacerbation ou la génération de réponses allergiques alors que d’autres semblent protéger (Tabl.5) ou encore provoquer des effets controversés [80]. Les données fournies par les études sur les modèles animaux, laissent peu de doutes à propos de l’effet améliorateur de l’infection helminthique sur les immunopathologies : le bénéfice pour la santé est obtenu par plusieurs approches schématisés sur la figure 12.
Tableau 5 Helminthes dont les propriétés de protection/induction/exacerbation des réponses allergiques ont été rapportées

Les dangers potentiels de l’usage thérapeutique des helminthes

Utiliser des helminthes vivants pourrait créer directement une pathologie immune sévère. Dans le cas d’helminthes résidant dans le tractus digestif, ils pourraient engendrer des vomissements, diarrhées connus pour certaines affections helminthiques.
D’autres effets secondaires potentiels de leur usage seraient une réaction anaphylactique ou allergique. Cependant la plupart des infections helminthiques ne sont pas responsables d’anaphylaxie chez les personnes infectées parce que le parasite et l’hôte ont développé des mécanismes d’inhibition (vus aux paragraphes précédents). Nous avons vu également les controverses à propos de l’effet anti-allergique ou non des helminthes.
L’avantage dans l’utilisation de pathogènes humains est que les effets secondaires sont connus et que des médicaments antihelminthiques sont disponibles pour en tuer une grande partie. L’usage de Trichuris suis, un vers parasite de l’intestin du porc, a été testé chez l’homme dans le traitement de MICI. Les chances que cet helminthe soit pathogène pour l’homme sont faibles étant donné qu’il est parasite naturel du porc et qu’aucune infection pathogène à T. suis n’a été rapportée [157]. La prévalence d’infection à T. suis chez le porc varie de 19 à 45% à travers le monde alors que la prévalence de l’infection humaine pour ce parasite est très faible [157]. Les études produites sur l’infection expérimentale de l’Homme par T. suis ne rapportent aucun effet secondaire. Dans les expériences de Summers et al. plus de 120 patients atteints de MICI ont reçu plu s de 2000 doses d’œufs de T.suis, certains pendant plus de quatre ans [287]. En Europe, la tolérance rapportée est aussi excellente [287], même avec des traitements mmunosuppresseursi en cours.
Deux cas de complication suite à un traitement par T. suis on été rapportés. Le premier, a développé 6 mois après le traitement, une iléocolite étendue, de gravité modérée à sévère, associée neàu atteinte rectale ulcérée et une sténose du côlon descendant [151]. Les biopsies ont retrouvé la présence intramuqueuse deT. suis traduisant une infection parasitaire patente. Le fait que le patient ai reçu un traitement par anti-TNF avant l’ingestio n d’helminthes pourrait suffire à expliquer la survenue d’une infection parasitaire invasive puisque le TNF est connu pour être essentiel dans la défense de l’hôte contre les infections par helminthes. Les essais cliniques publiés n’utilisent pas l’anti-TNF. Le risque d’infection iatrogène peut cependant être par la suite maitrisé par un traitement antihelminthique. Pour Hsu et al. [129], les patients non répondeurs au traitementpar les helminthes devraient systématiquement bénéficier und’ traitement antiparasitaire pour plus de sécurité. Le second cas est unsepsis grave chez un patient traité par helminthes [267]: le parasitisme a favorisé le développement d’une co-infection par Campylobacter jejuni . La tolérance à long terme de ce traitement n’a pas encore été établie.

Les essais cliniques de traitement par les helminthes

Helminthe-thérapie avecNecator americanus

L’infection simultanée de Necator americanus et Ancylostoma duodenale est rencontrée parmi les gens pauvres sous les zones tropicales (740 millions de cas). L’effet pathogène majeur survient lorsque les parasites adultes causent une anémiepar la perte intestinale de sang. En dépit de la morbidité associée à l’infection par ce vers, certains effets sont apparemment bénéfiques chez les hôtes souffrant de Maladie de Crohn ou de maladies liées à une suractivation immunitaire. Le Dr. David Pritchard de l’Université de Nottingham, UK et Jasper Lawrence d’Autoimmune Therapies, Tijuana, Mexico, se sont eux-mêmes infectés avec les vers et ont rapporté de bons résultats concernant la diminution des symptômes préexistants avec une stabilisation de la maladie [289]. Lawrence déclare que grâce à cette thérapie, son asthme sévère et ses allergies saisonnières sont en rémission.
Mortimer et al. [193] ont mené une étude pour déterminer la doseedlarves à administrer pour obtenir un seuil voulu d’œufs par gramme chez l’hum ain, en vue de produire des essais cliniques sur l’asthme. L’infection par 10 larves de N. americanus est bien tolérée et paraît être une dose convenable pour des études cliniques préliminaires.
Ce parasite pourrait être utilisé pour traiter la maladie de Crohn [53]. La maladie de Crohn est un type de MICI où la paroi du tractus gastro-intestinal inflammée est à l’origine de diarrhées sévères et de douleurs abdominales.

Helminthe-thérapie avecTrichuris suis

Summers et al. ont produit plusieurs études sur l’utilisation de T. suis chez des patients atteints de MICI (Tabl.6)
Tableau 6 Efficacité et tolérance des helminthes dans la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique (résultats en intention de traiter).
Source : Laclotte C., Oussalah A., Reyd P., Bensenane M., Pluvinage N., Chevaux J.-B., Trouilloud I., Serre A.-A, Boucekkine T., Bigard M.A., Peyrin-Biroulet L. Helminthes et maladies inflammatoires chroniques Intestinales. Gastroentérologie Clinique et Biologique (2008) 32, 1064—1074
La première étude voulait déterminer la toléranceudtraitement par helminthes chez les patients atteints de MICI [284]. Une rémission clinique (définie par un score CDAI -Crohn disease activity index- inférieur à 150) a été obtenue chez trois mal des sur les quatre. Pour les patients atteints de rectocolite hémorragique (RCH), une rémission clinique a été observée chez les trois patients avec une réduction de 57 % en moyenne du score d’évaluation. Afin de préciser la tolérance de ce traitement, quatre patients ont reçu plusieurs dose s d’œufs de T. suis toutes les trois semaines pour une durée de suivi minimale de 30 semaines. Aucun effet secondaire clinique ou biologique (objectif principal) n’a été observé.
Le second essai ouvert a ensuite porté uniquement sur des patients atteints de MICI majoritairement réfractaires au traitement médical standard, dans ’intentionl de traiter la MICI [285]. Ils ont reçu 2500 œufs de T. suis toutes les trois semaines pendant 24 semaines. L’activité clinique de la maladie était évaluée aux semaines 12 et 24. Quatresujets ont été sortis de l’étude avant la semaine 12 en raison d’une maladie toujours active et une femme en raison d’une grossesse. Une réponse clinique et une rémission clinique étaient observéechez respectivement, 76 % (22/29) et 66 % (19/29) des patients à la semaine 12 ; ces chiffres étaient respectivement, de 79 et 72 % à la semaine 24. Comme dans l’étude précédente, aucun effet secondaire n’a été observé chez les 29 sujets inclus.
Enfin, la dernière étude est un essai randomisé contre placebo chez 54 patients atteint de RCH active [286]. Vingt-quatre patients ont été traitéspar placebo et 30 patients ont reçu 2500 œufs de
T. suis toutes les deux semaines pendant 12 semaines ; 52 sujets ont complété l’étude (2 ont été exclus pour violation du protocole). Une réponse clinique était plus fréquente chez les patients traités par helminthes que dans le groupe placebo (respectivement, 43,3 % versus 17 % ; p = 0,04) ; les taux de rémission clinique n’étaient toutefoispas significativement différents dans les deux groupes. Plusieurs critiques de forme ont été émiseà l’encontre de la mise en forme des résultats. Pour Mayer [179], le nombre de patients répondeurset l’intensité de la réponse clinique étaient trop faibles pour tirer des conclusions définitives sur la place des helminthes dans le traitement de la RCH.
Une étude randomisée en double aveugle avec un groupe contrôle sous placebo, de Bager et al., avait pour objectif de déterminer l’efficacité del’helminthe-thérapie pour les rhinites allergiques [12]. Cent personnes atteintes de rhinite allergique induite par le pollen, ont été réparties ainsi 47: personnes sous placebo et 49 personnes qui ont ingéré 8 doses de 2500 œufs à un intervalle de 21 jours. Des diarrhées transitoires à 41 jours ont été observées chez 33% des patients traités avec les oeufs (2% pour le placebo). Une augmentation des taux d’éosinophiles, d’IgE T.suis spécifiques, d’IgG, d’IgA est mesurée chez le groupe traité sansaucun changement significatif des symptômes. Les auteurs concluent que la thérapie avec les œufs de T.suis, n’a aucun effet sur la rhinite allergique mais induit une réponse clinique et immunologique correspondant à une infection par les helminthes.
En résumé, le caractère monocentrique des études sponibles,di avec des résultats qui n’ont
pas été reproduits par des équipes indépendantesoncernant(c les MICI), et le fait que seuls deux essais randomisés contre placebo aient été menés ceà jour, ne permettent pas de tirer de conclusions définitives sur l’efficacité thérapeutique.

Bilan

Beaucoup de questions restent sans réponse quant à la protection des helminthes envers les désordres allergiques. Les données épidémiologiquesne permettent pas de conclure même si de nombreuses (mais pas toutes) expériences chez l’animal montrent une réduction de l’allergie. Ces expériences ne reflètent pas des conditions réellesavec des souris dans un environnement sans contact avec de multiples allergènes et des helminthes non-utilisables chez l’homme. L’application à l’homme donnera-t-elle les mêmes résultats ? La hérapiet est-elle vraiment sûre pour les patients ? Sous quelles conditions (dose, durée) la thérapie ourraitp-elle être efficace ? Quel est le mécanisme de protection ? L’étude des réactions aux infestations helminthiques a notamment été l’occasion de donner un nouvel éclairage sur l’épidémiologie eta lphysiopathologie des MICI.

La thérapie par des poissons

La Turquie, riche de 1800 sources chaudes, possède une source originale qui attire de nombreux curieux et personnes souffrant de problèmes dermatologiques [246].
Tout commence vers 1917 : d’après l’histoire locale, à 1660 m d’altitude, dans la province de Sivas (Fig.13), un berger, au pied blessé, se serait baigné dans les retenues d’eau naturelles qui auraient guéri sa blessure [144,246]. Ces sources thermales ont la particularité d’abriter de petits poissons qui ne sont pas étrangers au développement de cettestation thermale appelée Kangal Hot Spring (leur site web : http://www.balikli.org). La station a une réputation mystique car on ne possède aucune information sur la manière dont les poissons sont arrivés dans la région. Les premières piscines thermales publiques ont été construites en1963 et les premières cures pour traiter le psoriasis sont rapportées dès 1980 [314,144,246].
Après une brève présentation des poissons de Kangalet de leur milieu, nous nous pencherons sur leur usage pour traiter le psoriasis.
Figure 13 Carte de la Turquie

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