Formation neuroscience du consommateur, tutoriel & guide de travaux pratiques en pdf.
LES TECHNIQUES D’IMAGERIE ET LEURS APPLICATIONS NEUROMARKETING
Les outils à disposition du chercheur marketing
L’objectif de cette partie n’est pas de présenter de façon détaillée les techniques utilisées en neuro-imagerie, ce qui a déjà été fait de façon approfondie dans divers ouvrages (par exemple Cabeza & Kingstone, 2006) ou condensée dans des recensions récentes (Amaro & Barker, 2006). Une présentation synthétique est cependant utile afin de bien comprendre l’intérêt croissant, mais aussi appréhender les nombreuses questions voire les peurs, suscités par l’utilisation des ces techniques.
Présentation des techniques d’imagerie chez l’Homme
Deux groupes de méthodes co-existent. Les premières reposent sur une mesure directe de l’activité cérébrale, les secondes sur une mesure indirecte de cette activité.
• Les mesures indirectes de l’activité cérébrale
Nous ne ferons que citer pour mémoire la tomographie par émission de positons (TEP) car elle requiert l’injection de traceurs radioactifs au sujet testé lors de l’expérimentation. L’imagerie fonctionnelle par résonance magnétique (IRMf) qui ne nécessite pas l’utilisation de tels traceurs, permet la répétition des observations chez un même individu. Elle repose sur une différence de signature magnétique de l’hémoglobine selon que cette dernière est saturée ou non d’oxygène. La méthode la plus employée vise à détecter les variations de concentration locale en désoxyhémoglobine (méthode BOLD ; Blood Oxygen-Level Dependant) afin d’observer et d’enregistrer les variations de consommation d’oxygène, et donc les variations de débit sanguin cérébral dans les diverses zones cérébrales. La résolution temporelle de cette méthode est faible11 (environ 4 à 6 secondes) mais la résolution spatiale est relativement satisfaisante (quelques millimètres) pour les scanners courants (1,5 teslas), voire exceptionnelle (100 microns) pour les scanners à champ intense (7 teslas et plus). Par ailleurs, certaines régions cérébrales sont plus difficilement visualisées, en particulier le cortex orbitofrontal et le cortex temporal inférieur, du fait de la présence de cavités (sinus nasal, conduit auditif).
Nous pouvons également citer la technique récente (Hoshi, Chen & Tamura, 2001), plus frustre mais plus accessible, de l’imagerie en proche infrarouge (NIR imaging). Elle consiste à émettre des rayonnements infrarouges dans un casque au travers de la voûte crânienne. Le rayonnement électromagnétique, peu énergétique, ne pénètre le cerveau que sur quelques millimètres ; les photons incidents sont différentiellement réfléchis par l’oxyhémoglobine et la désoxyhémoglobine du sang et permettent donc de localiser des régions cérébrales activées. Une société japonaise propose désormais une version portable de son système comportant un bandeau de 400g et un boîtier enregistreur à la ceinture de 630g (Tabuchi, 2007). Le logiciel associé peut gérer simultanément jusqu’à 24 sujets porteurs (application potentielle en focus groupes). Ses principaux défauts sont la faible résolution spatiale (2 cm, soit plus de 10 fois la limite actuelle des IRMf) et l’impossibilité de scruter les zones subcorticales profondes. Néanmoins, pour des études d’activation dans des régions d’intérêt préétablies (pariétal et familiarité, préfrontal et décisions, par exemple), la technique peut s’avérer très efficace et d’un bon rapport efficacité / prix.
• Les mesures directes de l’activité cérébrale
La plus ancienne méthode d’étude de l’activité cérébrale : l’électroencéphalographie (EEG) (Berger, 1929), vise à mesurer les variations de champ électrique présentes au niveau du scalp. Le développement de l’informatique a conduit à une amélioration de cette méthode en permettant de traiter les données issues d’un nombre beaucoup plus grand de capteurs (124 voire 264 capteurs sur un seul scalp). On parle alors de cartographie EEG et de potentiels évoqués. Cette méthode possède une excellente résolution temporelle (0,5 à 1 milliseconde) mais une très mauvaise précision spatiale (quelques millimètres à plusieurs centimètres). Par ailleurs, les régions les plus profondes du cerveau (noyaux gris centraux, amygdales, thalamus) ainsi que le cervelet, ne peuvent être étudiés pleinement avec les techniques électromagnétiques. Une seconde méthode, la magnétoencéphalographie (MEG) détecte les minuscules champs magnétiques générés par l’activité électrique des neurones synchronisés. Cette technique permet de suivre des processus cérébraux milliseconde par milliseconde, mais avec une résolution spatiale moyenne, de l’ordre de plusieurs millimètres. Ces techniques ne sont pas mutuellement exclusives et leur conjugaison permet de gagner des points de résolution appréciables (EEG + IRMf ou MEG + EEG, par exemple). Une synthèse des avantages et inconvénients de ces méthodes est portée dans le Tableau 1 ci-dessous.
• Limites et réserves quant aux techniques de neuro-imagerie
L’utilisation de ces techniques impose en outre quelques contraintes au sujet testé. Lors de l’utilisation de la l’IRMf et de la MEG, le sujet ne doit absolument pas bouger la tête qui est souvent bloquée à l’aide de divers dispositifs. Par exemple, Knutson et alii (2007), dans leur étude relative aux décisions d’achat liées au niveau de prix, ont été contraints d’écarter 8 sujets de l’échantillon final « du fait de mouvements excessifs de la tête » (plus de 2mm de variation). Plus encore, lors de l’utilisation de l’IRMf, le patient est étendu dans un tunnel très étroit et doit porter des bouchons acoustiques afin de diminuer le bruit généré par l’appareil en action. Ces désagréments sont néanmoins à nuancer au vu de certaines analyses qualitatives menées auprès de sujets volontaires (Senior et alii, 2007). Au regard de ces précédentes techniques, l’EEG paraît être une technique particulièrement souple, totalement indolore, non stressante, permettant au sujet de bouger. Des constructeurs ont ainsi récemment proposé des appareils permettant au sujet une grande liberté de mouvements ; il peut par exemple déambuler dans une grande surface commerciale (Mucha, 2005 ; Neuroco, 200712).
Enfin, les techniques de neuro-imagerie exigent pour des raisons de non perturbation du champ magnétique, l’utilisation des matériels périphériques (présentation de stimuli visuels ou acoustiques, enregistrement de réponses comportementales etc.) à fibre optique qui ne génèrent pas de champ magnétique parasite.
L’avenir de l’imagerie cérébrale fonctionnelle est déjà discernable et certaines améliorations voire innovations sont susceptibles de lever plusieurs limites abordées ici. Pour illustration, qu’il suffise de citer l’imagerie en infrarouge proche évoquée supra, la tractographie (IRM à tenseur de diffusion; Le Bihan, 2007) qui permet d’observer les connexions structurales et fonctionnelles entre modules cérébraux, ou encore la stimulation magnétique transcranienne (TMS) qui permet une neuropsychologie clinique (étude de lésions et de déficits associés) ponctuelle et réversible. Le progrès neuroscientifique passe également par l’emploi de nouvelles techniques de traitement de l’information recueillie par l’imagerie : l’analyse en composantes indépendantes (ICA), les analyses discriminantes multiples (MDA) et l’analyse des schémas multivoxels (MVPA) viennent renforcer les analyses de variances et les modèles de régression linéaire, plus classiques.
Interrogations soulevées par ces techniques
Outre les interrogations purement éthiques qui feront l’objet d’un développement infra, les techniques évoquées peuvent susciter des questions chez le chercheur quant à l’usage ultérieur des clichés cérébraux obtenus.
Les découvertes inopinées
L’utilisation de techniques d’imagerie qui sont conçues à l’origine pour poser des diagnostics médicaux, peut conduire à la découverte d’anomalies ou plus exactement au repérage d’une « image » qui n’est pas dans les normes. Cette situation est presque banale puisque Illes et alii (2002) rapportent des découvertes d’anomalies dans environ 30% des cas et que 82% des chercheurs qui utilisent les techniques d’imagerie disent avoir été confrontés à cette situation. Se pose alors la question de la nécessité de révéler au sujet cette anomalie anatomique. A la suite de cette annonce (si elle est faite), l’attitude du sujet face à la vie peut être fortement modifiée. Une découverte fortuite peut également avoir pour conséquence, une difficulté voire une impossibilité pour le sujet à contracter des assurances (cité par Hüsing, Jäncke & Tag, 2006). Aux USA en particulier, la responsabilité des chercheurs est évoquée quant aux conséquences d’un diagnostic médical qui serait totalement sans rapport avec l’objectif des recherches entreprises. A l’avenir, la couverture financière de ce type de risque pourrait augmenter sensiblement le coût de la recherche neuroscientifique. Dans les études neuromarketing récentes, les chercheurs demandent explicitement aux sujets volontaires de décider par écrit s’ils souhaitent ou non être informés de toute anomalie détectée en cours de scan (par exemple Deppe et alii, 2007 ; 1120).
L’interprétation des images d’activation
Concernant l’IRMf, la méthode la plus employée vise à détecter les variations de concentration locale en désoxyhémoglobine (méthode BOLD ; cf. supra). Des débats existent dans la communauté scientifique sur ce que signifie exactement la réponse BOLD. La plupart des chercheurs reconnaissent cependant que le signal BOLD est bien corrélé à l’activité neuronale : une augmentation du signal correspond à une activité neuronale plus élevée. Néanmoins, une carte statistique avec une échelle de probabilité en couleurs n’est pas une fin en soi et il convient de se garder d’une fascination iconique. De même que la carte n’est pas le territoire, la carte statistique n’est pas l’activation d’un réseau neuronal ni le processus cognitif sous-jacent : ce serait même la photocopie de la reproduction de la carte du territoire… Un autre point litigieux concerne la différence entre la connaissance des fonctions exercées de certaines structures cérébrales – par exemple l’hippocampe, le cortex préfrontal et le cortex médiotemporal pour la mémorisation – et le contenu purement phénoménologique, « abrité » par ces fonctions. La détection de l’activité de la zone hippocampique ou temporale ne nous renseigne que grossièrement sur « ce que le sujet mémorise », a fortiori sur ce que ressent le sujet en se souvenant de quelque chose. La « lecture fine des pensées » n’est pas encore d’actualité.
Propriété des clichés cérébraux et droit d’utilisation
Enfin, des points juridiques de propriété ou de droit à l’image se font jour. Les milliers d’études d’imagerie fonctionnelle font parfois l’objet de dépôt dans des bases de données, partagées par la communauté scientifique à des fins de comparaison et de méta-analyses. On peut s’interroger sur la propriété des sujets sains volontaires à l’endroit des clichés archivés. De surcroît, les progrès en matière de traitement de signal laissent espérer à moyen terme une nouvelle moisson de données et de découvertes, obtenues à partir d’anciens clichés sur lesquels de nouveaux algorithmes seront déployés.
Méta-analyse des études de neuroscience du consommateur publiées
Nous proposons dans cette section de présenter de manière synthétique la majeure partie des travaux publiés dans le domaine que nous qualifions de « neuroscience du consommateur ». Si les premières études d’imagerie IRM fonctionnelle ne remontent qu’à l’année 2002, il convient de rappeler que des approches initialement psychophysiques furent pratiquées une douzaine d’années auparavant.
Les mesures objectives en marketing
De fait, un éventail somme toute assez large de techniques de mesure objective a déjà été utilisé en neuromarketing. A notre connaissance, seules la thermographie faciale, la spectroscopie en proche infrarouge (NIRS), et la tomographie à émission de positrons n’ont pas fait l’objet d’étude publiée. On notera à la lecture du Tableau 2, que la recherche publicitaire est particulièrement friande de ces techniques objectives non verbales. Elle cherchait surtout à déterminer quelles composantes d’exécution étaient susceptibles d’entraîner les appréciations et les mémorisations optimales.