Cours sciences économiques la microéconomie, tutoriel & guide de travaux pratiques en pdf.
La Décision Optimale du Consommateur
Les Préférences
La première tâche du microéconomiste est de construire une modélisation de l’expression des préférences de tout individu. Schématiquement, le principe est le suivant : nous allons supposer que chaque individu est caractérisé par un préordre (une relation de préférence) qui lui est propre ; ce préordre résume tous les éléments de la subjectivité, des goûts de l’individu considéré. Bien que propre à chaque individu, le préordre doit cependant respecter des règles supposées communes à tous les individus. Le choix de ces règles va délimiter les contours de la rationalité individuelle. Une modification, même infime, de la liste ou de la teneur des règles postulées par le modélisateur peut déplacer sensiblement la limite entre les comportements admis comme rationnels et ceux réputés irrationnels. C’est pourquoi nous allons définir avec grand soin les propriétés supposées être vérifiées par l’ensemble des agents économiques.
Une fois définies ces propriétés, nous allons nous intéresser à la seconde étape du travail de l’économiste : traduire numériquement la hiérarchie qu’établit le préordre de l’individu (de manière à obtenir un outil utilisable en économie). Même si la quantification de l’intensité de la satisfaction éprouvée par l’individu n’est qu’ordinale, elle permet de bâtir des applications (c’est à dire de réfléchir à des problèmes économiques concrets).
Définissons tout d’abord formellement les ingrédients nécessaires à la construction de notre modèle de représentation numérique des préférences.
Relation binaire Définition
Etant donné en ensemble E(par exemple l’ensemble des paniers de n biens certains), et E×E le produit cartésien usuel de toutes les paires (x ; y) où à la fois x et y sont des éléments de E, une relation binaire B sur l’ensemble E est formellement définie comme un sous-ensemble de
E×E (B ⊂ E×E).
Si la paire (x ; y) appartient à ce sous-ensemble, on notera (x ; y) ∈ B ou, plus usuellement, x B y.
1er Exemple : Supposons que E = ℝ et que la relation binaire B soit la relation « supérieur ou égal à » notée ≥. La paire (7;2) est un élément de la relation binaire, tandis que la paire (9;15) n’en est pas un (car 7 ≥ 2 tandis que Non « 9 ≥ 15 »).
2ème Exemple : Supposons que E = « Ensemble des annonces possibles dans un jeu de belote » et que la relation binaire B soit la relation « rapporte strictement plus de points que », notée f. La paire (Carré;Tierce) est un élément de la relation binaire, et l’on peut noter Carré f Tierce.
Propriétés usuelles d’une relation binaire
Nous n’allons pas présenter une liste exhaustive de propriétés que peut vérifier une relation binaire B définie sur un ensemble E. Nous allons nous limiter ici à celles utiles aux définitions d’une relation de « préférence » et d’une relation de « préférence ou indifférence ».
. Asymétrie
Une relation binaire B définie sur un ensemble E est asymétrique si ∀ x, y ∈ E, x B y ⇒ Non « y B x »
. Transitivité négative
Une relation binaire B définie sur E est négativement transitive si ∀ x, y, z ∈ E, Non « x B y » et Non « y B z » ⇒ Non « x B z »
. Transitivité
Une relation binaire B définie sur un ensemble E est transitive si ∀ x, y, z ∈ E,
x B y et y B z ⇒ x B z
Remarque sémantique :
Une relation binaire vérifiant la propriété de transitivité est appelée préordre.
. Complétude
Une relation binaire B définie sur un ensemble E est complète si ∀ x, y ∈ E,
x B y ou y B x
Remarque sémantique :
Une préorde vérifiant la propriété de complétude est dit total (a « weak order » en anglais).
. Réflexivité
Une relation binaire B définie sur un ensemble E est réflexive si ∀ x ∈ E, x B x
Il est nécessaire de choisir entre deux options pour la définition d’une relation ordonnant les paniers de biens : la préférence au sens strict (relation de « préférence ») ou la préférence au sens large (relation de « préférence ou indifférence »). Selon l’option choisie, les hypothèses de départ postulées pour la relation seront différentes :
– Dans le cas de la préférence au sens strict (généralement notée f), les propriétés d’asymétrie et de transitivité négative sont retenues.
– Dans le cas de la préférence au sens large (généralement notée f~ ), les propriétés de
transitivité, de complétude et de réflexivité sont retenues.
Dans la construction d’un modèle, le choix de la relation au sens strict plutôt que la relation au sens large ou l’option inverse n’a aucune forme d’importance : il est possible de construire un même modèle à partir de postulats (différents) sur l’une ou l’autre des relations. En outre, les relations se déduisent l’une de l’autre par l’équivalence : ∀ x, y ∈ E, x f~ y ⇔ Non « y f x »
Il est également possible de définir la relation « d’indifférence », notée ~ et définie soit à partir de la relation f (∀ x, y ∈ E, x~y ⇔ Non « x f y » et Non « y f x »), soit à partir de la relation f~ (∀ x, y ∈ E, x~y ⇔ x f~ y et y f~ x).
Principe de la représentation numérique des préférences
On part du principe que chaque individu rationnel, chaque « homo economicus », possède une relation binaire f~ définie sur un ensemble E (par exemple sur l’ensemble des paniers de n
biens) qui lui est propre (individualisme méthodologique). Cette relation binaire « résume » ses goûts, sa subjectivité.
D’autre part, on suppose que la relation f~ respecte un certain nombre de règles raisonnables,
communes à tous les individus. Ces règles sont les axiomes de comportement. On s’efforce, ce faisant, de délimiter les contours de la rationalité individuelle.
Dans tout modèle de décision, l’objectif est de traduire numériquement la hiérarchie établie par la relation binaire entre les différents éléments de E. La forme que prend cette traduction numérique est totalement conditionnée par les axiomes de comportement postulés pour la relation. Le socle de cet ensemble d’axiomes est une petite liste de propriétés fondamentales usuelles dont le rôle est de déterminer la nature de la relation binaire étudiée (relation de
« préférence », relation de « préférence ou indifférence, …). S’y ajoute une série d’axiomes plus singuliers dont le rôle est de délimiter les contours de ce qu’est notre acception du comportement rationnel des individus. Le choix de ces axiomes va déterminer la forme et les propriétés de la fonction numérique traduisant les préférences incarnées par la relation binaire. Le phénomène principal attaché à cette correspondance est la relation entre le degré de généralité des axiomes et celui de la fonction numérique représentative des préférences : des axiomes faibles conduisent à une forme fonctionnelle très générale, des axiomes forts conduisent à une forme fonctionnelle très particulière. Par axiomes « faibles », il faut entendre axiomes n’excluant que très peu de types de comportements : il est alors cohérent d’aboutir à un modèle de décision très général pour lequel la fonction représentative des préférences peut prendre une grande variétés de spécifications possibles, traduisant une grande variétés de comportements (supposés) rationnels possibles. A l’inverse, des axiomes très forts, très restrictifs, conduiront à un type de fonctions numériques très particulier. On peut ainsi voir apparaître un phénomène d’emboîtement : la transition d’une série d’axiomes forts vers une série d’axiomes plus faibles conduit à une généralisation du modèle de décision. En affaiblissant par étapes les axiomes d’une liste, on aboutit à des généralisations successives du modèle.
La transition entre les axiomes de comportement et la fonction numérique représentative des préférences se fait par le biais d’un théorème de représentation. La forme générale de tels théorèmes est la suivante :
Théorème de représentation : Etant donnée une relation binaire f~ définie sur un ensemble E,
les propositions (i) et (ii) sont équivalentes :
i) La relation f~ vérifie une certaine liste d’axiomes,
ii) Il existe une fonction V : E → ℝ vérifiant une certaine liste de propriétés , telle que :
∀ x,y ∈ E, x f~ y ⇔ V(x) ≥ V(y)
La fonction V(.) ci -dessus est la fonction de valeur ou fonction représentative des préférences. La démonstration d’un tel théorème n’est pas chose aisée. Il s’agit généralement d’une démonstration en deux parties. La partie la plus simple consiste à montrer que (ii) ⇒ (i) : connaissant la fonction V(.), ses propriétés, et les propriétés de la relation binaire ≥ définie sur ℝ, il est assez facile d’établir les axiomes que vérifie la relation binaire f~ . Montrer que (i) ⇒ (ii) est plus délicat : il faut, en quelque sorte, construire morceau par morceau la fonction V(.). Une bonne dose d’astuces n’est jamais superflue, comme dans toute démonstration mathématique.
Chapitre 1 – Rappels d’Optimisation
Chapitre 2 – La Décision Optimale du Consommateur
Chapitre 3 – La Décision Optimale du Producteur en Contexte Concurrentiel
Chapitre 4 – Les Monopoles
Chapitre 5 – Eléments de Théorie des Jeux
Chapitre 6 – La Concurrence Imparfaite
Chapitre 7 – La Décision face aux Risques