Quels facteurs psychosociaux peuvent être impliqués dans le risque de rechute de la maladie de Crohn ?
La psychologie de la santé et ses différents modèles, principalement le modèle transactionnel de Lazarus et Folkman (1984) et le modèle transactionnel, intégratif et multifactoriel de Bruchon-Schweitzer (1994), ont permis de pointer l’importance des facteurs psychosociaux dans les répercussions aussi bien physiques que psychologiques dans la maladie. Ils nous offrent des indices sur les facteurs pouvant induire une rechute puisque les études centrées sur ces modèles ont montré que les facteurs psychosociaux découlant d’une transaction entre l’individu et son environnement paraissent définir l’état de santé du sujet. À travers notre revue de la littérature, nous avons pu constater que les patients atteints de la maladie de Crohn étaient fortement soumis au stress (Casati, Toner, De Rooy, Drossman et Maunder, 2000 ; Singh, Blanchard, Walker, Graff, miller et Berstein, 2011), utilisaient 164 majoritairement des stratégies de coping centrées sur l’émotion. Les patients avaient tendance à se sentir moins soutenus que la population générale (Jones, Wessinger et Crowell, 2006 ; Graff et al, 2009) et présentaient des scores de qualité de vie plus faible (Casellas, LópezVivancos, Vergara et Malagelada, 1999 ; Blondel-Kucharski et al, 2001). Dans une démarche épidémiologique, quelques travaux ont tenté de mettre en évidence l’impact des facteurs psychosociaux dans la rechute des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin sans pour autant aboutir à un consensus. Une des raisons principalement avancée pour expliquer cette absence de résultats concordants porte sur des critiques méthodologiques. La plupart des études n’investigue pas de façon exhaustive l’ensemble des facteurs psychosociaux énoncés dans les différents modèles. De plus, elles intègrent dans leur échantillonnage à la fois des sujets souffrant de la maladie de Crohn et des sujets souffrant de rectocolite hémorragique. Or nous avons pu constater que ces populations présentaient des différences en termes de manifestations des facteurs psychosociaux. Il parait dès lors important pour étudier les facteurs psychologiques de risque de rechute, de les différencier. La seconde raison est relative aux outils utilisés. En effet, les choix méthodologiques pour évaluer tel ou tel facteurs psychosociaux ne sont pas toujours justifiés. Cette remarque est particulièrement pertinente concernants les études évaluant l’incidence des facteurs de stress sur la rechute. En effet, les études recensées n’évaluent pas de façon exhaustive l’impact des différents types de stress sur la rechute de la maladie. Maunder et Levenstein (2008) suggèrent pourtant de multiplier les outils pour évaluer cette dimension afin d’affiner le rôle du stress dans la rechute. Ce problème est également retrouvé dans les études évaluant le pouvoir prédictif de la qualité de vie. En effet, la qualité de vie est multiple, de par ses dimensions physiques, psychologiques, sociales et environnementales et peut être évaluée en référence à une population générale ou spécifique. Trop peu d’études combinent une mesure générique et spécifique de celle-ci.
Les facteurs de stress augmentent le risque de rechute de la maladie de Crohn
À travers cette hypothèse nous souhaitons étudier l’impact du stress sur la rechute en fonction des différents types de stress retrouvés chez les patients atteints de maladie chronique. La pathologie peut être considérée elle-même comme un événement stressant et soulève de nombreux stresseurs comme les répercussions physiques et sociales de la maladie. Nous postulons donc qu’une forte sensibilité aux stresseurs induits par la maladie peut augmenter le risque de rechute. La vie des patients ne se résume pas forcément à la maladie. D’autres sources de stress peuvent être présentes, représentant elles même un risque pour l’activité de la maladie. La mesure d’un niveau de stress général perçu est par conséquent à prendre en compte dans l’évaluation des facteurs prédictifs de rechute. De plus, nous avons précédemment discuté de la sensibilité des patients à des événements de vie mineurs. Pour cette raison, nous souhaitons également faire une hypothèse autour de l’impact du stress induit par les tracas quotidiens dans la rechute. Enfin, nous formulons une dernière hypothèse centrée sur l’augmentation du risque de récidive relatif au niveau de stress post traumatique découlant ou non du vécu de la maladie. H1-A : La sensibilité aux stresseurs spécifiques de la maladie chronique représente un facteur prédictif de rechute de la maladie de Crohn H1-B : Le stress perçu représente un facteur prédictif de rechute de la maladie de Crohn H1-C : Le stress découlant des tracas quotidiens représente un facteur prédictif de rechute de la maladie de Crohn H1-D : Le stress post traumatique représente un facteur prédicitif de la rechute de la maladie de Crohn Hypothèse 2 : Les stratégies de coping constituent des facteurs prédictifs de la rechute de la maladie de Crohn. En parallèle au rôle joué par le stress sur la rechute de la maladie. Nous faisons l’hypothèse que les stratégies de faire face au stress peuvent également avoir un impact sur l’activité de la maladie. Les recherches sur l’emploi des stratégies de coping ont témoigné d’une meilleure efficacité des stratégies centrées sur le problème chez les patients atteints de la maladie de Crohn. Pour cette raison nous faisons l’hypothèse que l’utilisation de stratégies de coping émotionnelles représente un plus fort risque quant aux rechutes de la maladie de Crohn. 166 H2 : L’utilisation privilégiée de stratégies de coping centrées représente un facteur prédictif de rechute de la maladie de Crohn Hypothèse générale 3 : Le soutien social augmente les risques de rechute de la maladie de Crohn Très peu d’études ont évalué l’impact du soutien social en lien avec l’activité de la maladie chez les patients atteints de la maladie de Crohn. Dès lors, considérer le soutien social comme une variable prédictive des rechutes constitue une perspective originale. A notre connaissance, une seule recherche pointe l’effet protecteur de la qualité du soutien social contre la rechute des patients présentant une forme déjà sévère de la maladie de Crohn, sans pour autant distinguer la taille du réseau social de la satisfaction de celui. En effet, les recherches portant sur la maladie chronique soulèvent des résultats différents en terme de soutien social perçu dès lors que l’on mesure la satisfaction ou la taille de celui-ci. En conséquence, nous faisons l’hypothèse qu’une faible disponibilité de soutien social augmente les risques de rechute de la maladie de Crohn. Nous postulons également qu’une faible satisfaction de soutien social est aussi un facteur prédictif de rechute. Nous formulons une hypothèse plus générale sur l’influence de la qualité du soutien social, à travers notamment la représentation des différents types de soutien social, sur le taux de rechute. H3-A : La faible disponibilité perçue de personnes ressources constitue un facteur prédictif de rechute de la maladie de Crohn H3-B : La faible satisfaction perçue du soutien social représente un facteur prédictif de rechute de la maladie de Crohn H3-C : La qualité du soutien social reçu constitue un facteur prédictif de rechute de la maladie de Crohn.