Évaluation économique de l’environnement dans un contexte de paiements pour les services écosystémiques
Applications de la méthode des préférences exprimées dans la conception des dispositifs PSE
Pour la conception des dispositifs PSE proprement dit, seules les techniques classées dans la méthode des préférences exprimées ont été évoquées par la littérature. On verra ainsi dans ce qui suit, les cas de l’évaluation contingente et de la méthode des CDE dans la conception de dispositifs PSE eau et PSE conservation des forêts-biodiversité.
Cas de l’évaluation contingente
Le principal intérêt de l’utilisation de la méthode des préférences exprimées réside dans leur capacité à susciter les valeurs de non-usage. Cela n’empêche pas pour autant que ces méthodes soient utilisées pour évaluer des valeurs d’usage, surtout quand il s’agit de dispositifs PSE eau ou bien des services de récréation comme le tourisme. La méthode d’évaluation contingente étant très populaire au cours des deux dernières décennies, qu’il n’était pas exclu que celle-ci ne soit utilisée pour la conception des dispositifs PSE. Whittington et Pagiola (2012) avaient relevé pas moins de 25 études de cas qui avaient appliqué l’évaluation contingente dans le cadre d’un dispositif PSE. 60 % de ces études de cas ont été toutes menées en Amérique Latine (Mexique et Costa-Rica), tandis qu’une seulement pour l’Afrique (Ghana), et le reste en Asie du sud-est (Philippines). Toutes ces études concernaient l’évaluation des CAP des bénéficiaires du service de provision d’eau, dont la majorité à des fins de conception de dispositifs de paiements ou d’examen de dispositifs existants. Les CAP couvraient principalement l’augmentation du tarif de l’eau pour les ménages. Les études restantes furent essentiellement dédiées à des conceptions hypothétiques de dispositifs de paiements. En discutant de ces études, Whittington et Pagiola (2012) avaient critiqué leur qualité, tant sous l’aspect de conception que de résultats. Premièrement, la majorité des rapports d’études n’avaient fourni que très peu d’informations, voire même pas du tout, sur les scénarios utilisés pour l’évaluation contingente, ni même l’approche utilisée pour susciter les CAP. Deuxièmement, ni les modes de paiement, ni la manière dont ces paiements seraient collectés n’étaient pas clairement spécifiés dans la plupart des cas. Par ailleurs, les participants étaient mal informés sur les améliorations du service de provision de l’eau, ni les incertitudes entourant les effets de la préservation des bassins hydrographiques sur la provision de l’eau, ainsi qu’institutionnelles. En termes de résultats, ces études ne se sont focalisées que sur l’estimation des CAP pour définir une base de conception sans aborder les coûts de mise en œuvre d’une autre alternative que les paiements, ni même les coûts de transaction nécessaires pour mettre en œuvre le dispositif. En effet, la plupart de ces études avaient tout simplement conclus que si la somme totale des CAP des bénéficiaires était supérieure aux CAA des usagers des terres (i.e. fournisseurs) (Whittington et Pagiola, 2012). En fait, la seule estimation des CAP n’est pas suffisante pour aboutir à une telle conclusion. Tout d’abord, parce que les revenus potentiels consacrés au dispositif PSE obtenus par les bénéficiaires de l’eau doivent être supérieurs aux paiements minimums requis par les fournisseurs de SE pour qu’ils y participent. Ensuite, les paiements aux fournisseurs de SE doivent être inférieurs aux coûts de l’alternative qui achèverait le même niveau de provision du SE. Finalement, les coûts de transaction doivent être inférieurs à la différence entre le CAP et le CAA (Engel et al., 2008). L’application de l’évaluation contingente dans le contexte des PSE était dans l’ensemble insatisfaisante selon Whittington et Pagiola (2012). Ils avaient ainsi conclu que la majorité de ces études n’étaient pas méthodologiquement inspirées, de mauvaises qualités en termes d’application de la méthode des préférences révélées, et étaient limitées en termes de pertinence politique. I.3.2 Cas de la méthode des CDE Le recours à ces méthodologies, notamment pour le cas de la méthode des CDE présente un certain nombre d’avantages par rapport à l’évaluation contingente. En effet, si l’évaluation contingente est limitée à un seul attribut ou plutôt à un scénario considéré dans son ensemble, la méthode des CDE permet de mettre en évidence les compromis que les parties prenantes potentielles à ces dispositifs peuvent être assujetties dans le processus de conception, notamment par le fait que celle-ci considère plusieurs attributs. La complexité de ces dispositifs peut être abordée sans trop de difficulté en recourant à cette méthode. Dans le cadre de la conception des dispositifs PSE, l’application des techniques d’évaluation économique de l’environnement n’est pas forcément limitée à l’aspect évaluation mais peut aussi couvrir d’autres aspects de conception qui vont aider les décideurs à déterminer les meilleurs choix possibles, qui reflèteront les préférences des parties prenantes. En effet, un dispositif PSE peut être caractérisé sous plusieurs aspects. On peut distinguer principalement les questions relatives aux structures des incitations/ paiements, aux participations des parties prenantes (i.e. les bénéficiaires/ payeurs et les fournisseurs de SE), ainsi qu’aux questions relatives à la réduction de la pauvreté et de la provision des SE (Adhikari et Boag, 2012). La méthode des CDE est particulièrement utile dans la conception des dispositifs PSE pour évaluer la pertinence de ces différents aspects ainsi que les différents compromis qui peuvent surgir pour les parties prenantes. Paiements Pour le cas des paiements et selon les perspectives des fournisseurs de SE, les questions relatives aux modes d’allocations (paiements individuels vs paiements communautaires), aux types de paiements (cash vs biens en nature), leur timing (ex-ante, ex-post, fréquence, temps , et même leur montant pour leur rôle en tant que forme de compensation ou d’incitation, peuvent se poser et être abordées selon une perspective d’évaluation utilisant les CDE. Du point de vue des bénéficiaires de SE (ou payeurs), les choix d’allocation des paiements selon des préférences environnementales tout comme l’inclusion d’objectifs sociaux ou de réduction de la pauvreté en sus des objectifs environnementaux (provision des SE) peuvent être questionnés. Les analyses peuvent ainsi être menées au tout début du processus de conception, ou bien dans l’optique d’une amélioration de dispositifs existants. Participation Les questions relatives à la participation sont d’une importance particulière pour les dispositifs PSE quand on sait que leur succès est étroitement lié à un certain degré de participation des parties prenantes, ou bien encore à leur nature. Pour le cas des fournisseurs de SE, on peut citer par exemple la fréquence de suivi des ressources naturelles générant le SE (dans l’optique d’une gestion communautaire des ressources naturelles), la nature des changements d’usage des terres requis par le dispositif, l’identité et / ou le degré d’implication des intermédiaires, etc. Par ailleurs, du point de vue des payeurs, les questions relatives aux droits de propriété, le type de paiements (contributions volontaires VS taxes), peuvent aussi affecter de manière significative leur participation, dont leur consentement à payer pour la mise en œuvre d’un dispositif PSE. En somme, il s’agit d’évaluer différentes configurations d’arrangements institutionnels des dispositifs PSE et lesquelles faciliteraient le plus la coopération et amélioreraient la provision des SE. Conservation et réduction de la pauvreté L’aspect provision de SE tout comme les impacts sociaux peut aussi être abordé par les CDE. Cela peut être pris en compte en considérant les choix d’allocation des paiements, notamment sur les questions sur la considération de l’équité, longuement débattue dans les littératures, du point de vue des payeurs et des bénéficiaires des SE. Par ailleurs, ces aspects sont aussi observables d’après la nature des paiements offerts aux fournisseurs de SE, qu’ils soient organisés en communauté ou individuellement (i.e. paiements individuels ou paiements communautaires).