DYNAMIQUE SPATIO-TEMPORELLE DES FORMATIONS VEGETALES AUTOUR DE PATAKO
Analyse de la dynamique spatiale de la végétation ligneuse
La dégradation des savanes due à l’expansion agricole, au surpâturage, aux feux de brousse, à la coupe du bois est une sérieuse préoccupation environnementale au Sénégal. Une analyse multidates d’images Landsat (1972-1988 et 2002) montre une dynamique de dégradation du couvert végétal ligneux dans la Forêt Classée de Patako et ses alentours. Trente années d’observations ont permis d’apprécier la dynamique spatiale. Jusqu’en 1972, cette forêt classée est marquée par une légère dégradation. Dans la partie sud, la forêt claire à savane boisée occupe la quasi-totalité de l’étendue forestière laissant place à de petites poches plus accentuées dans le nord-ouest. Quant à l’Est de la forêt, la strate arborée à arbustive est plus importante tandis que la forêt galerie de direction nord-est, sudouest et nord-ouest, sud-est connait une légère augmentation en 1988 par rapport par rapport à 1972. Elle dépassait 0,5 à 1 km de large par endroit. Par contre, en 2002 elle se traduit par une mince bande qui longe le cours d’eau mais nul part supérieur à 250 m de large. Il faut noter que toutes les formations végétales sont affectées par la déforestation. L’image de 2002 montre l’apparition de nouvelles poches de savane herbacée à l’intérieur de la forêt, surtout dans la partie nord-ouest et nord-est. Cette régression se réalise dans une dynamique où les deux strates essentielles se sont comprimées au fur et à mesure. Dans la zone périphérique à la forêt classée, la dégradation est surtout liée à l’extension des terres agricoles. En 1972, la savane herbeuse occupait une partie importante des bordures immédiates de la forêt. Celle-ci était plus marquée à l’Est, au Sud et à l’Ouest sur parfois un rayon de plus 2 km de large. Cette grande étendue de tapis herbacée rend la forêt très vulnérable face aux feux de brousse. Par contre, dans le nord les terres agricoles étaient plus localisées à la lisière de la forêt. L’image de 2002 montre une relative homogénéité dans l’occupation du sol (à des fins agricoles) en zone périphérique. Cela se traduit également par une réduction sensible, voir une fragmentation des formations arborées à arbustives. La dynamique temporelle de dégradation des strates est inquiétante. Celle-ci est la résultante d’une dégradation assez poussée du couvert végétal ligneux aux alentours de la forêt. La pression humaine combinée aux feux de brousse et aux effets des déficits hydriques ont pendant longtemps marqués leurs empreintes sur ce pôle de biodiversité, contribuant, à cet ~ 28 ~ effet, à une diminution de la densité d’arbres à l’hectare. Ces aléas constituent un stress majeur pour les ressources forestières ligneuses. Figure 10: Dynamique de la végétation de la FC de Patako et ses alentours (Mbow, 2009) Figure 11: Dynamique de la végétation dans la FC de Patako et ses alentours (Mbow, 2009) ~ 29 ~ Figure 12: Dynamique de la végétation dans la FC de Patako et ses alentours (Mbow, 2009) Une analyse de la dégradation illustrée par les images implique une détermination des seuils dans le temps et une identification des zones de pertes de carbone. En effet, l’identification des terres soumises aux processus de dégradation est possible en utilisant des approches telles que la télédétection, l’inventaire de la végétation, le suivi régulier, ou bien la combinaison de ces méthodes. IPCC assure que les faibles seuils de couverture végétale peuvent exiger la télédétection sur la base d’une haute résolution spatiale. Cela permet d’apprécier le caractère discontinu de l’espace dans la zone d’étude. Les figures 10, 11 et 12 montrent également l’importance du phénomène de dégradation du couvert végétal ligneux en zone de terroir. Il est dû à l’expansion des terres agricoles jusqu’à la limite du domaine classée.
Changement d’occupation du sol dans la Forêt Classée de Patako
La comparaison des images issues de l’analyse spatiale fait apparaître une tendance évolutive dans l’occupation du sol à l’intérieur de la Forêt Classée de Patako. En l’espace de 14 ans (1988-2002) la superficie de plusieurs strates a baissé. En effet, la strate de mangrove dans le domaine classée est passée d’environ 800 ha en 1988 à 650 ha en 2002. La forêt claire à savane boisée a également diminué durant cet intervalle de temps. Elle est la seconde strate la plus importante après la savane arborée. On estime à 2675 ha sa superficie (1988) contre 2575 ha en 2002 soit une réduction de 100 ha au total. Cette régression spatiale se traduit par une diminution de la densité d’arbres dans la strate considérée. ~ 30 ~ Contrairement aux deux premières strates, la savane arborée et les terres affectées à l’agriculture ou sols nus connaissent une légère augmentation durant la même période. Il faut rappeler que la savane arborée constitue la plus vaste partie des formations végétales de la Forêt Classée de Patako. En 1988 la surface occupée est estimée à 3480 ha contre 3560 ha en 2002 soit une extension de 80 ha. Cette augmentation est le fait de la dynamique de la régénération naturelle surtout dominée par quelques espèces caractéristiques de la forêt classée. Les sols nus c’est-à-dire ceux qui sont situés dans des espaces ouverts ont également connu une très légère augmentation de leur superficie. Celle-ci est estimée à 5 ha soit environ 650 ha en 1988 contre 655 ha en 2002. Figure 13: Comparaison de l’occupation du sol entre 1988 et 2002 (Source : Mbow, 2009) La nature du substrat peut constituer une contrainte forte pour le développement racinaire des arbres. C’est le cas des sols cuirassés qui affleurent par endroit en créant des ouvertures. Certaines zones se caractérisent par une occupation du tapis herbacé. Cette strate est souvent victime du passage systématique des feux de brousse en saison sèche. Les savanes présentent une structure spatiale très hétérogène, résultante de la répartition de la densité des arbres et des caractéristiques édaphiques. Cela a des conséquences sur l’intensité des facteurs environnementaux (feux de brousse) et anthropiques (surexploitation du bois). Ces caractéristiques du fonctionnement des savanes boisées, arborées et arbustives de la Forêt Classée de Patako en font des écosystèmes très dynamiques. Pour réduire l’empreinte écologique des populations riveraines, des initiatives innovantes sont prises. Le chapitre suivant renseigne sur les espèces choisies pour le reboisement et le scénario de référence.
CHOIX DES ESPECES POUR LE REBOISEMENT ET PRESENTATION DU SCENARIO DE REFERENCE
Stratégie du Projet ARLOMOM pour la conservation de la biodiversité
La conservation de la diversité biologique est un axe incontournable de l’adaptation et/ou atténuation du changement climatique. L’objectif est de réduire la vulnérabilité des populations face aux aléas climatiques dont les impacts sur les rendements agricoles laissent parfois les paysans dans une situation inconfortable. La stratégie de conservation de la biodiversité du Projet ARLOMOM consiste en un reboisement des sites dégradés et des champs à travers trois techniques fondamentales: la plantation en plein, l’agroforesterie et la régénération naturelle assistée (RNA). Une approche participative a été adoptée. Elle implique les populations dans le choix des espèces à planter selon leur préoccupation. L’expertise technique des agents des Eaux et Forêts a été sollicitée. Ainsi, seules les espèces locales d’importance socio-économique dont les techniques sylvicoles sont maîtrisées ont été sélectionnées. ID Noms scientifiques Noms vernaculaires Fonctions Cette option offre trois avantages majeurs : écologique (fertilisation des sols et augmentation des rendements agricoles), économique (diversification des sources de revenus), sécurité alimentaire et climatique (atténuation du réchauffement climatique à travers la fonction de séquestration de carbone). Les participants ont été choisis dans 8 villages répartis comme suit en 4 sites autour de la Forêt Classée de Patako. Il s’agit de : Keur Andalla et Keur Thierno, Diankou Bodian et Keur Yewti, Keur Boye et Ndiaye Kounda, Médina Ngayène et Ndiéganène. Ce choix s’est fait sur la base de critères. Il s’agit notamment de la disponibilité des terres ne faisant pas office de conflit foncier, de l’engagement personnel du participant après avoir eu une bonne sensibilisation. Tenant compte du contexte de détention des terres dans la zone d’intervention, la participation féminine s’est traduite par les groupements de femmes. Une parcelle leur a été affectée dans chaque site. En ce qui concerne les hommes, un engagement individuel a été préconisé. Ainsi, les activités de reboisement du Projet ARLOMOM doivent se réaliser sur une superficie de 50 ha. Parmi les espèces ci-dessus, beaucoup sont reconnus pour leur grand potentiel de séquestration de carbone et surtout leur longévité. Ces aptitudes restent, dès lors, un atout fort pour la stabilité et le maintien d’ensemble des écosystèmes en zone de savane. Le système de production agricole pratiqué autour de la Forêt Classée de Patako a une incidence sur la physionomie du paysage. Il a souvent un effet négatif pour la conservation de la biodiversité et le maintien de la productivité durable des sols. Cela est d’autant plus prégnant que l’on se trouve dans une situation avec de vastes superficies déboisées. Dans ce sens, le reboisement d’espèces locales autour de la Forêt Classée de Patako entre dans le cadre d’une meilleure gestion des stocks de carbone existants. Ainsi, la gestion biologique du carbone est considérée comme un moyen de lutte contre le changement climatique. UNEP-WCMC, (2008) ; Miles et Kapos, (2008), estiment que si elle est bien conçue et suivie, elle peut offrir d’autres avantages Ŕ car les forêts sont souvent riches à la fois en biodiversité et en carbone. Donc, le fait de protéger l’un permet de veiller sur l’autre et réciproquement. Beaucoup d’espèces présentent un intérêt particulier du point de vue économique et écologique. L’article R.63 portant décret d’application du Code forestier renseigne que plusieurs espèces forestières énumérées plus haut sont « partiellement protégées ». Il s’agit de : Adonsonia digitata, Cordyla pinnata, Faidherbia albida, Khaya senegalensis6 , 6 Cette espèce est sur la liste rouge de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) sur les espèces vulnérables Pterocarpus erinaceus, Tamarindus indica, Ziziphus mauritiana. L’article R.61 du même Code stipule que « ces espèces ne peuvent être abattues, ébranchées ou arrachées sauf sur autorisation préalable du service des Eaux et Forêts ». Malgré cela, les populations se livrent souvent à des pratiques non recommandées par la loi. En tenant compte des préoccupations qui ont entrainé la prise de mesures légales, l’initiative du Projet ARLOMOM peut être considérée comme un projet noble pour le Sénégal.
Espèces à potentialité élevée
Beaucoup d’espèces forestières ligneuses possèdent une grande potentialité en matière de séquestration de carbone en zone soudanienne. Ce sont généralement des espèces caractérisées en maturité par de gros diamètres, souvent supérieurs à 50 cm à 1,30 m de haut. En effet, considérées tout au long de leur stade de croissance il a fallut respecter le centre des classes de dbh à partir de 7,5 cm jusqu’à 52,5 cm. Cela se justifie par le fait que 7,5 cm correspondrait probablement au diamètre moyen mesurable lors du premier monitoring dans les surfaces reboisées. Nous regroupons dans cette catégorie Bombax costatum, Cordyla pinnata, Daniellia oliveri, Lannea acida, Parkia biglobosa, etc. A titre d’exemple Cordyla pinnata est représenté sur la figure 14. Il s’agit là du potentiel cumulé de séquestration de carbone d’un individu. Dès lors on distingue trois phases : une première phase avec les dbh < 35 cm où on aurait moins d’un Mg de carbone, une seconde phase avec les dbh ≥ 35 cm < 45 cm où on aurait 1,2 à 1,8 Mg.C et enfin une troisième phase qui correspondrait à plus de 2,6 à 3,7 Mg.C par individu.
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