L’électronique : une perpétuelle adaptation aux besoins de la société
Les matériaux semi-conducteurs permettent la réalisation de composants électroniques. L’avantage apporté par les matériaux grand gap pour l’électronique de puissance, comparé au silicium, est souligné dans cette section. Cette comparaison est suivie de la présentation de certains types de composants comme les diodes Schottky et les MESFET. Ces composants sont en effet utilisés comme véhicule test dans ce mémoire de thèse. Enfin afin de situer ce travail dans le marché actuel de l’électronique de puissance, les tendances commerciales des technologies grand gap sont présentées à la fin de cette partie.
Les matériaux semi-conducteurs pour l’électronique
D’un point de vue électrique, un matériau semi-conducteur est un matériau présentant une conductivité électrique intermédiaire entre les métaux (conductivité<1.103 S/m) et les isolants (conductivité>1.10-8 S/m) [SER08]. Il permet une conduction par deux types de porteurs de charges électriques : les trous et les électrons. Cette conduction est liée aux valeurs d’énergie que peuvent prendre les électrons d’un atome dans un semiconducteur. Ces valeurs sont modélisées par la théorie des bandes dans laquelle les électrons se répartissent dans des niveaux d’énergie, autorisés selon le principe de Pauli, et pour lesquels leur répartition est dépendante de la température, suivant la statistique de Fermi-Dirac. Les électrons ont ainsi la possibilité de prendre des valeurs d’énergie comprises dans des intervalles, séparés par une bande interdite de largeur Eg appelées « gap » ou « band gap » Ce gap représente l’énergie nécessaire requise par un électron dans un semi-conducteur pour passer de la bande de valence à celle de conduction. Les matériaux à grand gap sont ceux qui ont un gap à franchir plus grand relativement à celui du silicium qui est la référence en électronique. Pour un semi-conducteur, les propriétés intrinsèques ne dépendent que de la structure, et non de l’adjonction d’impuretés (dopage). Les électrons de la bande de conduction sont générés en laissant un trou dans la bande de valence. Les concentrations d’électrons (n) et de trous (p) sont donc égales. Ainsi mis à part d’éventuels défauts cristallins, la conductivité électrique d’un semi-conducteur intrinsèque est intégralement déterminée par la structure du matériau et ne dépend que de la température. Un matériau semi-conducteur est néanmoins souvent dopé par des impuretés spécifiques. L’ajout d’atomes dopants au matériau permet, après activation à haute température, de modifier les concentrations d’électrons (n) et de trous (p) dans le matériau. Ce dopage permet la réalisation de jonction entre les zones à majorité d’électrons et à majorité de trous et confère au semi-conducteur des propriétés électriques adaptées aux applications électroniques telles que la réalisation de composants actifs (diodes, transistors, etc…). Certains matériaux se dopent plus difficilement comme le diamant car l’énergie d’activation à température ambiante des atomes dopants après injection, comme le Bore, est faible, à la différence du silicium (365meV au lieu de 3,6eV) [MAT09] [MAT10]. Pour le carbure de silicium (SiC), les impuretés issues du dopage se placent en substitution des atomes de carbone ou de silicium et possède ainsi des énergies d’activation du dopage similaire à ces atomes, donc faibles [RAY07]. Son dopage est donc bien plus facile que pour le diamant. La concentration de dopage dans le SiC peut varier du niveau de pureté du semi-conducteur (autour de 1013 cm-3) jusqu’à son niveau de dégénérescence électrique (autour de 1020 cm-3 pour le SiC) [EKO02]. Pour la réalisation de composants électroniques, certains matériaux semiconducteurs sont directement issus de la colonne IV de la classification périodique des éléments comme le silicium ou le diamant ou le SiC alors que d’autres sont des matériaux III/V composés avec différents atomes comme le GaN. Le silicium est actuellement le matériau semi-conducteur le plus utilisé commercialement pour la réalisation de composants électroniques. Il doit cela principalement à sa facilité de dopage et à sa capacité d’oxydation naturelle qui forme le SiO2 et qui facilite l’intégration de ces composants dans des VLSI (Very-Large-Scale Integration). Néanmoins les autres matériaux cités possèdent des avantages, notamment pour l’électronique de puissance, qui sont rappelés dans la Figure 2. – Chapitre 1 : Définition des stress radiatifs et ESD sur les composants grand gap LAAS-CNRS – Tanguy Phulpin – Janvier 2017 9 Figure 2: Résumé des propriétés physiques des semi-conducteurs à grand gap comparé au silicium. Dans notre étude, le polytype du 4H-SiC a été choisi car il présente une mobilité de porteurs plus élevée (par rapport aux autres polytypes du SiC comme le 3H ou le 6H), ce qui le rend plus attrayant pour l’électronique de puissance. Sur la Figure 2 sont décrits plusieurs propriétés qui rendent ces semi-conducteurs grand gap avantageux vis à vis du silicium [THI12] : Le band gap ou l’énergie de bandes interdites est représentatif du niveau d’énergie requis pour que les électrons puissent passer de la bande de valence à celle de conduction. Il est de 5,47 eV pour le diamant, de 3,36eV pour le GaN, de 3,26eV pour le SiC et de 1,1eV pour le silicium. Le champ critique de claquage est un paramètre lié aux bandes interdites. Il indique la capacité du composant à soutenir des tensions importantes tout en restant intégrable. Pour l’application d’un même champ électrique, le composant en diamant peut être trois fois plus petit que celui en SiC, lui-même quatre fois plus petit que celui en silicium. Les pertes par conduction sont donc réduites. La mobilité des électrons permet de déterminer la valeur du courant maximal dans le semi-conducteur et la résistance à l’état passant du composant RdsON. Le SiC présente une mobilité inférieure à température ambiante respectivement au silicium, au GaN et au diamant. La vitesse de saturation des électrons apporte une information concernant la rapidité de transfert des charges. Le SiC et le GaN présentent une vitesse doublement plus importante que celle du silicium. Les commutations sont ainsi plus rapides, ce qui représente un net avantage pour les pertes par commutation et donc pour l’électronique. Les caractéristiques thermiques comme la température de fusion ou la conductivité thermique fournissent un avantage à l’utilisation du SiC car il présente des valeurs cinq fois supérieures (pour la conductivité) à celles du GaN ou du Si [NAL99]. En effet l’’évacuation de la chaleur est un facteur de grande importance pour l’électronique de puissance avec des composants qui peuvent avoir à fonctionner en environnement sévère comme par exemple à proximité d’un moteur
Composants de l‘électronique de puissance
Comme cela a été introduit, les convertisseurs statiques sont des systèmes fondamentaux de l’électronique de puissance. Ils sont constitués de composants passifs comme des capacités, des inductances ou des résistances et de composants actifs tels que des diodes, des transistors bipolaires ou à effet de champ ou encore des thyristors [PIN07]. Ces composants intégrés dans les convertisseurs ont pour objectif d’assurer une conversion avec le moins de pertes possibles et d’obtenir le meilleur rendement énergétique, dans des conditions qui peuvent être extrêmes. Afin d’améliorer le rendement énergétique de ces convertisseurs, il est nécessaire de limiter les pertes des composants actifs de ces convertisseurs. Ces pertes sont produites lors de la commutation et lors de la conduction des composants, en considérant que celles liées au blocage du composant sont négligeables. Certaines pertes énergétiques des convertisseurs sont donc liées aux matériaux semi-conducteurs, d’autres sont issus de l’architecture des composants utilisés. En effet l’architecture du composant génère plus ou moins de pertes et des compromis doivent être réalisés en fonction des performances de l’application désirée. Par exemple pour une taille de composant équivalente, un transistor bipolaire conduira quasiment le double de courant qu’un transistor unipolaire, comme le MOSFET, mais présentera des pertes en commutation plus importantes du fait de ses charges stockées. Dans cette section seront présentés seulement les deux composants unipolaires étudiés dans ce travail : la diode Schottky et le transistor MESFET. Ces composants sont tous deux utilisés pour la réalisation de protection, de commande de circuits, de circuit de commutation. Il existe d’autres composants pour l’électronique de puissance, avec de nombreuses déclinaisons, mais ils ne seront pas traités dans ce travail.
Diodes Schottky
Les diodes Schottky sont des dipôles non linéaires et unidirectionnels en courant. Ce sont des composants électroniques simples qui régulent le flux électrique en autorisant le passage du courant dans une seule direction. Physiquement, les diodes classiques comme les diodes PN sont constituées avec un barreau de semi-conducteur, dopé P d’un côté et N de l’autre. L’application d’une énergie suffisante aux bornes du composant va permettre la migration des électrons et donc la conduction d’un courant moyennant la résistance interne du matériau (Figure 3). Sous tension inverse en revanche, les charges se repoussent donc il n’y a pas conduction sauf si le champ électrique appliqué est trop fort, ce qui peut alors engendrer un claquage de la diode. Au lieu d’un matériau semi-conducteur de type P et d’un matériau semi-conducteur de type N, le cœur d’une diode Schottky réunit un matériau semi-conducteur de type N ou de type P et un métal. Ainsi le composant est unipolaire et la conduction se fait pour une – Chapitre 1 : Définition des stress radiatifs et ESD sur les composants grand gap LAAS-CNRS – Tanguy Phulpin – Janvier 2017 11 valeur seuil d’énergie dépendante de la différence de travail de sortie du métal et de l’affinité du semi-conducteur. Electroniquement, deux propriétés principales différencient les diodes Schottky des diodes P-N : La chute de tension est plus faible sur une diode Schottky. La diode Schottky nécessite très peu de temps pour passer d’un état à un autre (passage du courant, blocage du courant dans l’autre direction). La diode Schottky est donc plus rapide que les diodes conventionnelles (<100ns).
MESFET
Le MEtal Semi-conducteur Field Effect Transistor, autrement appelé le MESFET est un transistor contrôlé par effet de champ. Comme le MOSFET, il est un composant unipolaire composé d’au moins quatre électrodes : la grille, le drain, la source et le body ou substrat. Physiquement, la différence entre les deux transistors est la présence d’un contact Schottky au niveau de la grille du MESFET alors qu’elle est isolée par un oxyde pour le MOSFET. Le MESFET est de plus constitué d’un canal dans lequel les porteurs circulent lors de l’application d’un champ électrique entre deux contacts ohmiques : le drain et la source (Figure 4). Ce canal entraine une commutation plus rapide car la mobilité des porteurs est plus grande que celle du MOSFET [PON96]. C’est pourquoi ce composant est souvent utilisé pour les applications haute fréquence (>2kHz) [TOU07]. Electriquement, c’est l’application d’une tension sur l’électrode de grille qui va permettre de créer une zone de charge d’espace (ZCE) et ainsi modifier la conductance du canal jusqu’à bloquer le passage du courant (Figure 4) [CHE99]. Le composant est Normally On, c’est-à-dire qu’il est actif au repos et qu’il nécessite l’application d’une tension sur sa grille pour être bloqué. Cette configuration de transistor n’est pas un avantage pour – l’électronique de puissance où, pour une question de sécurité et d’économie d’énergie au repos, les composants Normally Off sont préférés. Toutefois le contrôle par l’application d’une tension permet de faciliter l’intégration de ces composants à la différence des transistors bipolaires contrôlables en courant. Le MESFET est aussi crédité d’un courant de fuite plus important que celui du MOSFET du fait de son contact Schottky [PON96]. Il ne possède en effet pas d’oxyde sous sa grille, source importante de défaillance, notamment pour les composants grand gap comme le SiC. Ainsi pour cette technologie comme ce sera présenté dans la section sur les composants en SiC, les MESFET ont été commercialisés après les diodes Schottky mais avant les MOSFET. De plus, pour les MESFET en SiC, les caractéristiques électriques peuvent être légèrement modifiées en comparaison à celles du silicium. En effet la vitesse de dérive des électrons dans le canal passe par un maximum pour une certaine amplitude du champ électrique Epic. La vitesse diminue ensuite alors que l’amplitude du champ continue d’augmenter. Un accroissement de la densité des porteurs est alors observé afin de compenser le niveau de courant. Un soubresaut de la valeur de courant peut en conséquence être visualisable [BOI04]. Malgré ce fonctionnement plus complexe, ces composants présentent des tensions de fonctionnement plus élevées que pour le silicium, et des fréquences de coupure qui peuvent atteindre jusqu’à 100GHz [BOI04]. Enfin ces composants possèdent une résistance à l’état passant normalisé (RdsON) qui est la résultante de la résistance de contact des électrodes de drain et de source, et de la résistance du canal du composant ou d’autres aires résistives rencontrées sur le chemin drain-source [PON86]. Le canal pouvant supporter une tension plus importante que pour les composants en silicium, sa dimension peut être réduite, permettant de diminuer le RdsON et donc de diminuer les pertes par conduction
REMERCIEMENTS |