Les sciences sociales, l’immigration et l’intégration des immigrés

Les sciences sociales, l’immigration et l’intégration des immigrés

En France, les travaux de A. Sayad ont forgé une certaine tradition dans la sociolo- gie française sur l’immigration qui traite la question dans sa dimenion psycho-sociale et politique (Sayad, 1979; Sayad, 1994; Sayad, 1999b). En dépit des essentiels apports de cette littérature, la production théorique sur les mécanismes sociaux qui caractérisent le processus d’intégration des immigrés a été peu prolifique. Elle est aussi restée relati- vement fermée à la littérature internationale sur ce sujet. Or, la sociologie américaine et plus généralement les sciences sociales, ont été fondées par les travaux de l’École de Chicago sur l’intégration des immigrants. Depuis, la littérature sociologique ne cesse d’élaborer de nouveaux concepts, d’émettre de nouvelles critiques, de dé-construire et de reconstruire une conception théorique de l’intégration des immigrés. La préoccu- pation centrale de cette littérature tourne autour des questions suivantes : comment fonctionne une société dont la diversité ethnique est une dimension principale? Que deviennent les groupes et les individus qui arrivent dans cette société à l’issue d’un processus migratoire? Quels sont les mécanismes sociaux précis qui caractérisent le parcours des migrants dans la société d’accueil? Plus généralement la question est de savoir comment théoriser la sociologie de l’intégration des immigrés au regard des études empiriques sur ce sujet.L’objectif de ce chapitre est alors d’ouvrir la sociologie française à cette littérature sur l’immigration. Il propose une lecture problématisée de l’acheminement théorique ayant commencé par les conceptions linéaires de l’assimilation conçue comme conver- gence, aux critiques les plus virulentes, cherchant à pointer du doigt les inégalités, les conflits et les mythes qui couvrent la vision classique de l’assimilation. Cette discussion théorique du processus d’intégration permet d’orienter et d’éclairer le travail empirique réalisé dans cette thèse.

Questions terminologiques : intégration, assimila- tion, insertion, accommodation, de quoi parle-t- on ?

Le thème de l’immigration constitue un des rares objets sociologiques particuliè- rement sensible à la terminologie. Il est frappant de remarquer le nombre de travaux socio-lexicologiques qui portent sur la pertinence de l’usage de tel ou tel terme pour parler de la situation des immigrés et de leurs descendants. Rares sont les travaux scien- tifiques français sur l’immigration qui ne débutent pas par un cadrage terminologique et un affichage plus ou moins clair du choix de l’auteur et de ses implications en termes de positions politiques et idéologiques. Plus rares encore sont les communications ou conférences sur l’immigration qui ne s’arrêtent pas sur les mots utilisés reprochant par- fois aux auteurs des intentions cachées derrière leur usage des termes. Néanmoins, ce débat terminologique prend bien souvent une coloration plus politique que scientifique. Ainsi, si on a pris l’habitude d’opposer intégration et assimilation, c’est essentiellement en raison de leurs implications idéologiques sans un véritable débat scientifique et em- pirique sur le sujet. D’ailleurs force est de constater que, en dehors de la théorie de l’assimilation liée à l’expérience colonialiste développée par R. Maunier, on ne trouve pas dans la littérature sur l’immigration un travail théorique de conceptualisation de l’assimilation des immigrés (Lorcerie, 1997). On ne peut donc entamer ce chapitre sur En dépit de la multitude de termes que l’on peut croiser dans des travaux français ou internationaux sur l’immigration 1, l’assimilation et l’intégration constituent deux concepts définissant les principaux paradigmes concernant le destin des migrants en France et plus généralement en Europe. Il s’agit de deux termes contestés politique- ment et scientifiquement, comprenant des connotations sensiblement différentes bien que leurs significations objectives soient relativement proches. Sur cette opposition entre assimilation et intégration, il est frappant de remarquer la quantité d’encre ayant coulé en France dans les sphères scientifiques et politiques. Ainsi, tout, ou presque, a été dit sur les signifiés, les interprétations, les représentations conscientes et inconscientes derrière l’usage de ces mots (Costa-lascoux, 1991; Gaillard, 1999; Sayad, 1994; Schnap- per, 1999). Jusqu’au point qu’il est possible de parler d’un « combat pour les mots » (Schnapper, 1998, p.407-408) qui a caractérisé notamment la question de l’immigra- tion dans les années 1980 en France en érigeant dans la sphère publique la polémique entre intégration et assimilation. Ce chapitre ne reviendra pas sur les origines histo- riques et lexicologiques de la structuration des oppositions entre ces deux termes.Néanmoins, pour mieux comprendre les querelles terminologiques françaises, il convient de distinguer ce qui relève de la sphère scientifique de ce qui est lié aux représenta- tions politiques et publiques. En France, l’attachement scientifique au terme intégration trouve ses racines dans la sociologie durkheimienne où il désigne un phénomène social global, aucunement spécifique à l’immigration. D’ailleurs Durkheim ne parle pas de l’immigration dans ces textes sur l’intégration 2.

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