Conduites violentes dans les établissements accueillant des adolescents : prévention et réponses

Conduites violentes dans les établissements accueillant des adolescents : prévention et réponses

 

Les conduites violentes dans les établissements accueillant des adolescents ont donné lieu ces dernières années à de nombreux travaux, recherches et journées d’étude, tant sur le plan de leur prévention que sur celui des réponses apportées. Ces recommandations trouvent ainsi leur origine dans la prise en compte des préoccupations actuelles des professionnels. Elles ont pour ambition de mutualiser des réponses et d’offrir une structuration, une vision d’ensemble qui relie prévention et traitement. Les établissements concernés sont diversifiés dans leurs missions et leurs objectifs

au regard des besoins spécifiques des adolescents qu’ils accompagnent. Cependant, ces recommandations dégagent des repères pour la réflexion et l’action qui leur sont communs.

Ces repères sont destinés à l’ensemble des acteurs. Ils ont pour finalité de développer une culture de la prévention de la violence et d’aider les professionnels à construire leurs réponses en fonction de leur réalité propre, dans le respect des actuelles dispositions législatives et réglementaires.

Contribuant à accompagner les établissements dans leurs évolutions, la mise en œuvre de ces recommandations repose sur l’identification de priorités et sur un processus d’appropriation progressif.

Didier Charlanne Directeur de l’ANESM

 

Présentation générale

  1. La méthode de travail
  2. Le champ des recommandations
  3. Les objectifs généraux
  4. Les principes directeurs
  5. Éléments pour l’appropriation des recommandations

 

Première partie – Identifier, observer, analyser la violence

  1. Identifier la violence

1.1 Mettre en place des réunions de travail, destinées à réfléchir ensemble et à identifier

ce qui est qualifié de violence, avec les professionnels de l’établissement

1.2 Mettre en place des groupes d’échanges avec les adolescents, destinés à réfléchir ensemble et à identifier ce qui est qualifié de violence

1.3 Conduire cette réflexion avec les équipes d’autres établissements

1.4 Associer les partenaires à ce travail d’identification

1.5 Informer les autorités de contrôle des fruits de ce travail

  1. Observer, analyser la violence

2.1 Identifier les risques propres à l’établissement

2.2 Être attentif au climat socio-émotionnel et aux indices de détérioration

2.3 Distinguer et qualifier les situations de violence

2.4 Installer un dispositif d’observation et d’analyse en continu des événements précurseurs de violence

2.5 Repérer des solutions et les inscrire dans un plan d’action évaluable

  1. Prévoir des protocoles d’information interne et externe

3.1 Élaborer des protocoles internes de traitement des situations de violence et de diffusion de l’information

3.2 Prévoir des protocoles d’information externe

3.3 Veiller à la réactualisation et à la révision régulière des protocoles pour permettre leur évolution selon les situations et leur appropriation par les équipes

3.4 Associer selon des modalités adaptées les personnels, les adolescents, les familles, les partenaires à l’élaboration des protocoles et procédures internes

3.5 Informer, selon des modalités diverses, les différents acteurs concernés

 

Deuxième partie – Procurer une sécurité de base

  1. Procurer une sécurité de base à travers l’organisation et le fonctionnement

de l’établissement

1.1 Étayer les professionnels

1.2 Identifier et mettre en oeuvre des modalités d’organisation et de fonctionnement

de l’établissement qui contribuent à la prévention de la violence

  1. Procurer une sécurité de base à travers l’accompagnement individualisé

2.1 Préparer l’accueil

2.2 Préparer la sortie

2.3 Veiller à la sécurité de base à travers la prise en compte de l’environnement familial

2.4 Veiller à la prise en compte de l’environnement social pour prévenir la violence

 

Troisième partie – Mettre en oeuvre une prévention

et des interventions ciblées

  1. Élaborer, partager des références et coordonner les interventions

1.1 Élaborer et partager les références théoriques et pratiques

1.2 Travailler à la cohérence des interventions

  1. Mettre en oeuvre des actions psycho-socio-éducatives pour la prévention

et le traitement de la violence

2.1 Favoriser l’utilisation par l’adolescent d’un vocabulaire élargi

2.2 Aider l’adolescent à comprendre ce qui se joue pour lui dans les relations et à travers ses réussites et ses échecs

2.3 Proposer si nécessaire un accompagnement psychothérapeutique

2.4 Mettre en place des groupes de parole où les adolescents peuvent évoquer leurs difficultés et résoudre en commun des situations

2.5 Viser, par les interventions, le changement : acquisition de nouvelles compétences sociales, modification des représentations, des comportements…

2.6 Entraîner individuellement les adolescents à la résolution de problème

2.7 Entraîner à la responsabilité et placer l’adolescent en face de décisions à prendre qui ne lui soient pas imposées

  1. Aménager des conditions de participation et de médiation pour prévenir et traiter la violence

3.1 Favoriser un fonctionnement participatif de l’établissement

3.2 Associer les adolescents à l’élaboration et à la révision du règlement de fonctionnement

3.3 Favoriser l’apprentissage de la représentation et installer les conditions de bon fonctionnement du Conseil de la vie sociale

3.4 Organiser des groupes de discussion avec les adolescents sur des dilemmes sociaux

3.5 Favoriser une analyse collective des actes violents par les adolescents

3.6 Mettre en place des instances de médiation

3.7 Proposer des activités artistiques, sportives et relatives aux nouvelles technologies

 

Quatrième partie – Traiter une situation de violence

  1. Traiter la crise

1.1 Repérer les différentes phases d’une crise pour ajuster les attitudes  professionnelles successives

1.2 Évaluer la gravité de la situation

1.3 Assumer l’autorité selon les places de chacun

1.4 Utiliser les protocoles de traitement de la violence et d’information

1.5 Contenir pour protéger et apaiser

1.6 De façon exceptionnelle, isoler temporairement l’adolescent du groupe de vie

1.7 Accompagner et soutenir physiquement et psychologiquement les personnes victimes d’agression

1.8 Prendre en compte les effets sur les autres adolescents, mettre en place des actions de protection

  1. Traiter la situation de violence au-delà du moment de crise

2.1 Réaliser une analyse de l’acte violent par les adolescents entre eux ou entre les professionnels et les adolescents

2.2 Conduire des actions de « débriefing » et de restauration

2.3 Favoriser des actions de réparation

2.4 Recourir à des sanctions proportionnelles, sensées et respectant l’intégrité des usagers

2.5 Encadrer les mesures de réorientation

2.6 Conduire une analyse de la situation participe à la prévention du renouvellement de cet enchaînement

Présentation générale

Les travaux sur les recommandations de bonnes pratiques professionnelles relatives aux conduites violentes, à la prévention et aux réponses, au sein d’établissements accueillant des adolescents, ont été engagés par le Conseil national de l’évaluation sociale et médico-sociale (CNESMS), en partenariat avec l’Observatoire national de l’enfant en danger (ONED). Ils ont été poursuivis et finalisés par l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements

et services sociaux et médico-sociaux (ANESM).

La violence des adolescents fait actuellement l’objet d’une forte préoccupation sociétale. S’il est difficile de déterminer si les comportements violents sont plus nombreux et plus graves qu’auparavant ou si c’est le seuil de tolérance à leur égard qui s’est réduit, il apparaît que cette problématique est aussi au coeur des interrogations des établissements sociaux et médicosociaux qui accueillent des adolescents.

Prévenir et traiter les violences dans ces établissements représente une des voies essentielles pour assurer le bien être des adolescents ainsi que les conditions favorables à leur développement et à leur protection. C’est une condition pour garantir les droits et libertés énoncés à l’article L. 311-3 du Code de l’action sociale et des familles, notamment ceux relatifs au respect de l’intégrité des usagers et de leur sécurité.

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Ces recommandations concernent les établissements[1] accueillant des adolescents, relevant en totalité ou en partie de la protection de l’enfance : Maisons d’enfants à caractère social (MECS), Foyers, Établissements de placement éducatif publics et du secteur associatif habilités par la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), Centres éducatifs fermés (CEF), Instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (ITEP).

Elles s’adressent à l’ensemble des professionnels de ces établissements. Cependant certaines de ces recommandations s’adressent plus directement aux responsables d’établissements. Elles concernent également les usagers adolescents de ces établissements, en ce qu’elles visent à garantir leur intégrité et leur sécurité et qu’elles cherchent à les associer à la prévention et au traitement des situations de violence. Par adolescent, on englobera ici la population des adolescents, mineurs et jeunes majeurs. Enfin, indirectement, elles concernent les organismes gestionnaires. Ces recommandations sont cadrées par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur, tant les dispositions spécifiques aux établissements sociaux et médico-sociaux en matière de prévention et de traitement de la violence que celles du régime juridique général relatives aux atteintes aux biens et aux personnes.

La méthode de travail

La méthode retenue est celle du « consensus formalisé », qui permet de mobiliser une pluralité d’acteurs intervenant aux différentes phases. La méthode consiste à recueillir et à valider des bonnes pratiques professionnelles en s’appuyant sur l’avis d’un groupe de cotation qui indique son degré d’accord et de désaccord selon une échelle graduée.

Un groupe de pilotage a coordonné l’ensemble des travaux. La première phase a consisté en une recherche bibliographique, réalisée par une équipe universitaire ; l’analyse de cette bibliographie a fait l’objet d’un rapport de synthèse. Puis une première série de propositions de recommandations a été rédigée sur la base de l’argumentaire bibliographique, de l’expérience pratique et de l’expertise des membres du groupe de pilotage. Ce projet de recommandations a été soumis à un groupe de cotation composé de dix-sept personnes qualifiées représentant la diversité des acteurs concernés par ce sujet. Les recommandations validées font l’objet du présent document.

 

Le champ des recommandations

Le choix a été fait de ne pas donner de définition de la violence, pour privilégier une approche dynamique dans la pratique quotidienne. La violence est appréhendée sous l’angle du vécu, du ressenti, avec un travail sur les représentations partagées de la violence. Trois types de violence liées entre elles par des effets de synergies et d’interactions sont pris en compte : celles des usagers entre eux, des usagers à l’égard de professionnels et de l’institution envers les usagers. Il s’agit donc des situations de violence produites par les adolescents ainsi que des violences produites par l’institution. La clé d’entrée est le passage à l’acte mais le rapport entre les « micro-violences » et le passage à l’acte a été également pris en compte. Les atteintes volontaires à soi-même (automutilation, tentative de suicide…) n’entrent pas dans le champ.

Quelles que soient ses significations et les pistes de compréhension individuelle (violence « fondamentale », « stratégie de lutte contre la dépendance », moyen pour « se sentir exister »…), la violence est abordée ici dans le contexte de l’accompagnement éducatif et des pratiques développées par les professionnels en charge au quotidien des adolescents. Les approches sociétales, centrées sur le milieu et l’environnement, n’entrent pas dans le champ de ces recommandations.

 

  1. Les objectifs généraux

Ces recommandations visent à porter la réflexion sur les situations de passages à l’acte et à réintroduire à leur propos la capacité de penser. En effet, il y a risque de passage à l’acte quand on ne peut pas dire les choses ou être entendu ou bien encore lorsqu’une situation résonne avec un traumatisme antérieur. En cas d’impossibilité ponctuelle ou permanente de mentaliser certaines situations, s’opère une forme de court-circuit de la pensée. Ces recommandations visent donc à restaurer la pensée et l’élaboration dans les situations de violences, à donner du sens à ce qui s’est passé afin de dégager des perspectives d’action. Elles incitent également à instaurer un état de veille institutionnelle sur les questions de violence.

Ces recommandations de bonnes pratiques professionnelles relatives à la prévention et au traitement de la violence n’ont pas vocation à prendre position en faveur d’une des théories développées à propos de la violence. L’ambition est de proposer des points de repère sur les conduites à tenir et les pratiques à développer dans une double perspective :

  • permettre aux institutions de construire leurs propres réponses en fonction de fondamentaux présentés dans les recommandations et ceci dans le cadre de la mission spécifique qu’elles assument ;
  • développer une culture de la prévention et du traitement des phénomènes de violence à tous les niveaux de l’organisation et pour tous les acteurs.

 

Les principes directeurs

Deux principes fondent l’esprit de ces recommandations :

  • la violence n’est pas considérée comme un acte individuel et isolé ; en conséquence, la prévention est centrée sur l’acte situé dans son contexte ;
  • le traitement n’a pas pour finalité d’empêcher toutes violences, mais d’éviter la reproduction des conditions qui ont conduit à une situation de violence. En cela le traitement participe aussi à la prévention, car il permet d’analyser et de comprendre la situation de violence afin de dégager des perspectives d’action.

Les principes directeurs et les objectifs retenus dans le cadre de ces recommandations trouvent leur traduction dans l’organisation du document en quatre parties. La première est centrée sur l’appropriation du thème par l’établissement, la deuxième concerne les aspects préventifs « généralistes », les parties suivantes sont consacrées à la prévention ciblée de la violence et au traitement des situations de violence.

Éléments pour l’appropriation des recommandations

Ces recommandations constituent des points d’appui, des repères pour chaque établissement et sont destinées à une mise en oeuvre adaptée selon les besoins et le contexte, notamment selon les mesures éducatives et les décisions de justice, le cas échéant. Elles ne sont pas une liste exhaustive d’exigences, mais représentent des outils de dialogue et de responsabilité au service de la réflexion, de l’action et de l’évaluation.Leur appropriation repose sur la définition de priorités au regard des réalités de l’établissement. Afin de garantir les complémentarités et les interactions entre les registres de travail induits par les recommandations, il est pertinent que ces priorités se réfèrent à chacune des quatre parties présentées ci-après.Cette démarche sera l’occasion de définir le suivi et les moyens d’évaluer le chemin parcouru d’année en année au regard de ces recommandations.

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