Les poutres sont certainement les modèles mathématiques les plus utilisés par les ingénieurs structures dans leurs différents projets. Ceci est principalement dû à leur simplicité d’utilisation, que ce soit pour modéliser un ouvrage de pont, une charpente métallique ou un immeuble d’habitation. Elles permettent à l’ingénieur d’avoir accès au comportement global de ce type de structure d’une manière simple, fiable et rapide. Ainsi, les ponts les plus modernes construits actuellement dans le monde ont été modélisés avec des éléments de poutres. Cette modélisation simplifiée n’empêchant pas dans une deuxième phase, de construire des modèles auxiliaires plus riches, en utilisant des éléments de coques ou volumiques, pour étudier les phénomènes locaux apparaissant dans la structure. On peut donner comme exemple le viaduc de Millau, dont le tablier large de 32m , a été étudié avec un modèle constitué principalement d’éléments finis de poutres. Mais si le modèle représentant la réalité physique de l’ouvrage est ainsi très simplifié, il doit permettre néanmoins d’effectuer plusieurs calculs, nécessaires pour une étude complète de l’ouvrage, tels que la prise en compte du phasage de construction, des non linéarités géométriques, du fluage/retrait du béton….
Cependant, si le modèle de poutre a pour principal avantage sa simplicité, il est, comme tout modèle mathématique, basé sur certaines hypothèses simplificatrices, dont il est nécessaire, pour tout ingénieur faisant usage de ces éléments, de connaître les implications, pour pouvoir préciser la pertinence et les limitations de son modèle.
– Une poutre est un objet 3D prismatique, occupant un volume V dans l’espace. Elle est paramétrée par une courbe continue et différentiable, pour qui à chaque abscisse, on associe une section droite S. En général cette courbe représente la ligne moyenne, qui est par définition la courbe reliant les centres de gravité de toutes les sections.
La théorie des poutres a aujourd’hui plusieurs siècles derrière elle. Certaines sources font remonter les premières avancées dans ce domaine à Leonard De Vinci et Galilée [2]. Dans cette partie on expose quelques-unes des théories de poutres les plus couramment utilisées, où on se limite au cas élastique linéaire, et en utilisant les approximations des petits déplacements/rotations et des petites déformations.
La théorie d’Euler-Bernoulli est probablement une des plus anciennes théories de poutres connues. Elle est basée sur les trois hypothèses suivantes :
– Les sections droites restent perpendiculaires à la ligne moyenne après déformation.H1
– Les sections planes restent planes après déformation. H2
– Les sections sont indéformables dans leurs plans. H3
Les hypothèses ci-dessus permettront de définir la cinématique de la poutre, qui définit la forme générale du déplacement de la poutre, quel que soit le chargement auquel elle sera soumise. On analyse donc l’effet de chacune de ces hypothèses sur le comportement de la poutre, mais pour cela il est nécessaire de définir au préalable deux notions importantes qui seront utilisées/analysées dans tout ce qui suit, le gauchissement et la déformation transversale (distorsion) des sections.
Définition 1 : on appelle gauchissement d’une section droite, tout déplacement dans le sens longitudinal de la poutre (hors plan de la section), autre que les mouvements rigides longitudinaux, de déplacement uniforme et de rotation de flexion.
Définition 2 : on appelle déformation transversale d’une section droite, tout déplacement de la section dans son plan, autre que les mouvements de corps rigide (déplacement vertical/horizontal et rotation de torsion).
Les hypothèses H2 et H3 impliquent donc que la poutre ne subira ni gauchissement ni déformation transversale. Quant à l’hypothèse H1, elle implique que la rotation de flexion de la section est proportionnelle à la dérivée de la déformée de la poutre.
Dans les théories de poutres classiques d’Euler-Bernoulli ou de Timoshenko, on fait l’hypothèse que les sections droites restent toujours planes (pas de gauchissement). Des théories plus avancées telles que celles de Vlassov ou Benscoter, permettent une nette amélioration pour l’étude de la torsion, en prenant en compte le gauchissement dû à ce mouvement. Néanmoins ces modèles sont toujours insuffisants pour représenter un gauchissement quelconque d’une section, puisque la torsion n’est pas la seule à provoquer un gauchissement des sections, il y a aussi les efforts tranchants, ayant pour effet de faire apparaître ce qui est communément appelé le traînage de cisaillement (shear lag) [6,14].
Le traînage de cisaillement est un phénomène connu dans les poutres de largeur importante. Il a comme conséquence défavorable une surconcentration des contraintes normales à certains endroits de la section. L’Eurocode 3 permet de prendre en compte ce phénomène pour des poutres métalliques, en considérant une largeur effective (ou réduite) au lieu de la largeur totale .
Dans cette partie, on résume le travail développé dans l’article 1 de cette thèse. On considère toujours l’hypothèse H3 (section indéformable dans son plan) comme valide. On s’intéresse donc au gauchissement des sections, soumises au seul mouvement transversal de corps rigide, c.à.d. soumises à des efforts tranchants plus la torsion.
1 Introduction |