Les sentiments vécus par les débutants
Lors de ces débuts ardus et précaires, les débutants sont confrontés à différents sentiments. Martineau et Presseau (2003) ont étudié le phénomène du sentiment d‘incompétence pédagogique, souvent vécu par les enseignants débutants. L’alourdissement de la tâche enseignante et les caractéristiques continuellement changeantes des effectifs étudiants peuvent amener certains débutants à ressentir ce sentiment, c’est-à-dire le sentiment d’être débordé, de ne pas être en mesure d’assumer la tâche dans son ensemble ou de ne plus pouvoir avoir l’effet souhaité sur les élèves. Ce ·sentiment affecte la motivation de l’enseignant et lui nuit dans l’accomplissement de sa tâche. Le sentiment d’incompétence pédagogique touche soit la gestion de la matière ou la gestion du groupe, la dominante étant la gestion de classe proprement dite. Il naît de la conception qu’a le débutant d’un bon enseignant et de la pression de la conformité venant de l’établissement.
Enfin, selon ces chercheurs, le sentiment d’incompétence pédagogique n’apparaît pas insurmontable pour les enseignants débutants, bien qu’un besoin de soutien à l’insertion professionnelle soit manifesté, principalement en lien avec les savoirs pédagogiques. Mukamurera; Bourque et Gingras (2008) définissent aUSSi différents sentiments vécus par plusieurs dans la phase d’ insertion. Le premier touche le sentiment d’être dépassé par la charge de travail. Ceci s’explique par le manque d’expérience mais aussi, et surtout, par les difficultés personnelles ou les problèmes sociaux vécus par les élèves, la détérioration des conditions d’enseignement (nombre d’élèves par classe, hétérogénéité des élèves, manque de ressources), l’élargissement du rôle de l’enseignant et les multiples attentes envers celui-ci et, finalement, la surcharge en lien avec la quantité et la qualité de la tâche offerte (plusieurs matières, préparations multiples, plus d’une école). Le deuxième sentiment rapporté est celui de .ne pas être suffisamment préparé pour faire face à la réalité de l’enseignement. Ce sentiment est surtout vécu envers les élèves qui ont de graves problèmes de comportement ou d’apprentissage, ou encore envers les élèves qui ont des problèmes de motivation. L’autre aspect relevé . dans cette étude concerne le soutien et la collaboration, qui sont plutôt irréguliers pour les enseignants débutants. Les obstacles à ceux-ci proviennent de la situation professionnelle ou du contexte organisationnel (manque de temps, épuisement professionnel, culture de l’ individualisme, etc.). L’absence de programme national de soutien aux e,:seignants débutants ne favorise pas non plus l’accompagnement en début de carrière et accentue le sentiment d ‘ isolement.
Les facteurs favorisant d’insertion
D’un autre côté, différents facteurs peuvent faciliter l’insertion professionnelle de l’enseignant débutant. Les directions d’établissements ont un rôle primordial à jouer dans ce processus. Elles endossent ce rôle et sont conscientes de leur importance dans cette sphère (Brossard, 1999). Vallerand et Martineau (2006) relèven~ que le rôle principal de la direction en est un de conseiller, de guide et de soutien, ce qu’elle peut faire en accueillant le débutant et en lui fournissant l’information nécessaire (par rapport au fonctionnement de l’école par exemple), en assurant des conditions de travail adéquates, en assurant le développement professionnel des nouveaux enseignants (culture de formation continue), en ayant des attentes claires et en établissant une relation positive avec le débutant. Un autre moyen utilisé pour faciliter l’insertion en enseignement est le mentorat ou l’accompagnement. Ce rôle est souvent exercé par des enseignants d’expérience, reconnus comme compétents tant par leurs pairs que par la direction. Le mentor ou l’accompagnateur fournit de l’aide au débutant pour lui permettre de s ‘ intégrer dans ses nouvelles fonctions, en plus de lui partager les valeurs de l’ institution. Selon Cantin et Lauzon (2003), qui ont étudié des enseignants du collégial, le mentorat est une «Relation temporaire de soutien à l’apprentissage du métier d’enseignant qui s’établit entre deux personnes ayant une certaine différence d’expérience dans l’enseignement. Basée sur la confiance mutuelle, elle vise à favoriser le transfert d’expertise entre le professeur plus expérimenté et le débutant.» (p.30).Le support peut être offert tant sur le plan psychologique que pédagogique, par des rétroactions, des conseils et des suggestions sur l’enseignement (Garant, Lavoie, Hensler, et Beauchesne, 1999). Pour que l’accompagnement soit efficace, il doit être fait par les pairs et il doit avoir pour but le soutien et non l’évaluation (Lussier, 2006). L’un des buts principaux du mentorat, peu importe la façon dont il est exercé, devrait être de permettre au débutant de dépasser les stratégies de survie (Gervais, 1999).
L’historique
Les cégeps existent depuis un peu plus de 40 ans. Au début des années 50, tout l’occident est préoccupé par la qualité des études supérieures et la nécessité d’une réforme scolaire. Le rôle de l’éducation dans l’économie des pays est mis à l’avant plan. En 1953, la Commission Tremblay, sur les problèmes constitutionnels, voit le jour au Québec. L’enseignement fait partie des sujets qui y sont traités puisqu’il s’agit d’une compétence provinciale. Sur les 240 mémoires déposés à cette commission, 60% traitent de l’éducation, démontrant la grande préoccupation de l’époque sur le sujet.. La commission Tremblay choisi donc d’accorder une place prioritaire à ce sujet, ayant pour résultat -la mise sur pied d’une nouvelle commission, celle-ci avec un mandat spécifiqu,e de réforme scolaire, la Commission royale d’enquête sur l’éducation (Commission Parent) (Gingras, 1995). La Commission Parent siège entre 1963 et 1966, moment de la publication de son rapport en trois tomes, répartis en cinq volumes, occupant pas moins de 1500 pages de textes et apportant 650 recommandations (Savard, Héon et Bamel, 2006). C’est donc en 1967, suite à la Commission Parent, que les cégeps voient le jour, avec l’adoption de la Loi des collèges d’enseignement général et professionnel.
Cette commission a pour intention centrale la mise en place d’une structure d’éducation cohérente et unifiée de tous les ordres d’enseignement, de la maternelle à l’université, en passant par l’éducation des adultes, en réaction à un système d’éducation qui a été construit de façon parallèle et cloisonnée (Rocher, 2006). L’objectif prioritaire est en fait de pemlettre l’accessibilité de tous aux études qui correspondent à leurs talents. La coordination de tous les niveaux d’enseignement ne peut se faire, selon la Commission, sans la création d’une autorité compétente ayant juridiction sur tout le système d’enseignement. C’est ainsi qu’en 1964, le ministère de l’Éducation et le Conseil supérieur de l’éducation sont créés. La toute première recommandation du rapport Parent est d’ailleurs la suivante: «Nous recommandons la nomination d’un ministre de l’Éducation dont la fonction sera de promouvoir et de coordonner l’enseignement à tous les degrés, tant dans le secteur privé que dans le secteur public.» (Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec, 1963, p.l 09).
Dans ce souci d’accessibilité, c’est le principe de polyvalence qui importe le plus aux commissaires, qui souhaitent que les enfants qui sortent du primaire soient dirigés vers une institution commune, avec des cours généraux communs, se diversifiant par l’ajout d’options. Ceci a pour but d’éviter que les jeunes soient orientés trop rapidement dans un secteur plutôt qu’un autre. Cette polyvalence, mise en évidence d’abord au secondaire dans le processus de démocratisation de l’éducation, se fait vite sentir aussi urgente dans l’enseignement postsecondaire, ce qui mène à la création des cégeps, toujours dans l’idée de rendre plus fluide le passage d’un niveau d’enseignement à un autre. «Un ordre d’enseignement qui, par sa polyvalence, vise la formation à la fois préuniversitaire et professionnelle, . préparatoire pour les uns aux études universitaires et au marché du travail pour les autres.» (Rocher, 2006, p.l3). L’arrivée des cégeps doit répondre à différents besoins identifiés dans la société tels que hausser rapidement le niveau de scolarisation de la population, former des techniciens de niveau supérieur et rationaliser les structures scolaires (Gingras, 1995). Ils doivent aussi, selon le rapport Parent, permettre au plus grand nombre possible de jeunes de poursuivre des études plus longtemps, tout en leur offrant une période utile d’orientation professionnelle, leur permettant de passer de l’enseignement préuniversitaire à l’enseignement professionnel en cours de formation, et inversement. En même temps, ils revalorisent la formation professionnelle en haussant le niveau d’études et en ouvrant à tous des cours de formation générale, dans la recherche d’un meilleur équilibre entre la formation générale et la spécialisation (Rocher, 2006).
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