Jeux dangereux et intentionnalité des protagonistes

Nous avons réalisé notre travail de maturité sur la violence dans les écoles et un chapitre concernait les jeux dangereux. Ce sujet nous avait beaucoup interpellée et marquée d’une part par son côté tabou et d’autre part par son côté problématique au niveau de la prévention. En effet, les avis sont partagés entre le fait d’en parler au péril de donner les idées aux enfants et le fait de rester passif, de ne pas en parler et prendre le risque d’un accident dans l’établissement. De plus, nous nous interrogeons sur les raisons qui poussent les élèves à participer à ces jeux.

La thématique du harcèlement nous a également beaucoup touché et intéressé au cours de notre formation HEP. Nous avons pris conscience de l’actualité de ce sujet notamment en lien avec le projet Vivre ensemble sur le chemin de l’école mené en partenariat avec l’école de Collombey-Muraz. Plusieurs thèmes suivis lors de notre formation nous ont incluse dans ce projet d’établissement et nous ont permis de prendre connaissance de la problématique autour du harcèlement. Nous avons également suivi deux conférences sur ce thème, la première lors d’une soirée organisée par l’association des parents d’élèves de Collombey-Muraz et l’autre lors d’une cours lié au thème 2.1 de la HEP.

Lors de la première conférence, nous avons appris que les jeux dangereux sont considérés comme une forme de harcèlement. Interpellée par cette découverte, nous avons décidé d’orienter notre travail autour des pratiques dangereuses et du harcèlement. Après avoir lu des travaux qui mettent en évidence le lien entre ces deux thématiques, nous nous sommes interrogée sur la présence des trois critères permettant d’identifier une situation de harcèlement dans les jeux dangereux. En effet, l’une des trois caractéristiques étant l’intention de nuire des harceleurs envers leur victime, nous souhaitons savoir à quel point une véritable intention nuisible de la part des investigateurs du jeu envers les participants est présente dans les jeux dangereux.

Au commencement de notre recherche, nous avions donc la question de départ suivante : « En quoi les jeux dangereux, considérés comme harcèlement, questionnent-ils le critère d’identification du harcèlement « l’intention de nuire » ? »

Cette recherche nous permettra d’avoir une compréhension plus large du phénomène du harcèlement ainsi que de celui des jeux dangereux. Ainsi, nous serons plus à même de repérer des situations du genre dans les cours d’école, de signaler ces cas et de prendre des mesures nécessaires pour les éradiquer. Par ailleurs, une meilleure compréhension nous permettra peut-être d’envisager des pistes de prévention afin d’éviter un maximum les accidents et situations graves de harcèlement ou de jeux dangereux dans nos futures classes et établissements scolaires.

Le harcèlement entre pairs, ou school bullying, est un fléau présent dans les écoles depuis fort longtemps. Néanmoins, c’est en 1970 que l’on a mis pour la première fois des mots sur ce phénomène. Le chercheur norvégien Olweus (1993) fut le premier à étudier et conceptualiser cette forme de violence. Il donne cette définition du harcèlement dans son ouvrage Bullying at school :

Un élève est victime de violence lorsqu’il est exposé de manière répétée et à long terme à des actions négatives de la part d’un ou plusieurs élèves […]. L’élève visé par les actions négatives a du mal à se défendre et se retrouve en quelque sorte démuni face à l’élève (ou les élèves) qui le harcèle (cité par Bellon & Gardette, 2013).

Aujourd’hui, il n’existe pas de définition précise et simple du harcèlement entre pairs. Cependant, les chercheurs et auteurs se sont mis d’accord sur la présence de trois caractéristiques dans les situations de harcèlement. Il s’agit de la répétitivité des faits, la relation asymétrique entre la victime et le ou les auteurs ainsi que l’intention de nuire de la part du ou des agresseurs. Lorsque ces trois critères sont présents, on parle de harcèlement (Piguet, Moody & Bumann, 2013).

Le harcèlement peut se manifester sous plusieurs formes. Il comprend aussi bien les violences physiques, verbales, psychologiques ou sexuelles. Les types de harcèlement que l’on retrouve dans les écoles sont principalement le harcèlement physique où l’enfant est battu, menacé ou encore bousculé, mais aussi le harcèlement verbal dans lequel il est question d’insultes, de messages injurieux, de moqueries, etc. Enfin, la dernière forme de harcèlement est psychologique ou relationnelle et se manifeste davantage par des exclusions (Debarbieux, 2011). Cependant, avec l’arrivée de l’ère du tout-numérique, nous avons vu apparaître une autre forme de harcèlement, celle du cyberharcèlement. Belsey (2003) en donne la définition suivante : « utilisation des technologies de l’information et de la communication […] pour adopter délibérément, répétitivement et de manière agressive un comportement à l’égard d’un individu ou d’un groupe avec l’intention de provoquer un dommage à autrui » (cité par Bellon & Gardette, 2013, p.18). Cette définition est très proche de celle du harcèlement. Ce qui distingue le cyberharcèlement est la forme de communication électronique engendrant un caractère indirect. Enfin, le harcèlement peut se manifester sous une autre forme moins connue comme telle, celle des jeux dangereux. Dans son rapport au ministre de l’Éducation nationale, Debarbieux (2011) mentionne en effet les jeux dangereux comme forme de harcèlement. Il lie les deux phénomènes dans le sens où le risque de participation à des pratiques dangereuses augmente avec le harcèlement.

Les jeux dangereux sont également divisibles en plusieurs catégories. Il s’agit des jeux de non-oxygénation tel le « jeu du foulard », des jeux d’agression tel le « jeu de la canette » ou encore des jeux de défi tel le jeu du « cap’ ou pas cap’ ». Ces jeux sont pratiqués depuis très longtemps et connus de la majorité des élèves. Cependant, la plupart d’entre eux n’ont absolument pas conscience des risques engendrés par ces pratiques (Ministère de l’Éducation nationale française, 2007).

Selon une récente étude menée en Valais, le harcèlement touche 5 à 10% des enfants dans le cadre scolaire (Piguet et al., 2013). De plus, avec l’arrivée des nouvelles technologies de communication, les auteurs de faits de harcèlement trouvent de nouveaux terrains d’action. Le fait est que les adultes ont tendance à minimiser le harcèlement en avançant des réflexions du genre « ça a toujours existé!» ou « ce sont des jeux d’enfants ! ». Toutefois, nous savons aujourd’hui que les violences subies lors de harcèlement ont de graves conséquences à court, moyen et long terme et cela tant sur les victimes que les agresseurs et les témoins (Piguet et al., 2013 ; Debarbieux, 2013). Pour les victimes, les conséquences ne se font pas seulement ressentir au niveau de la santé physique, mais aussi au niveau de la santé psychique ainsi que sur le plan des apprentissages scolaires avec, dans les cas les plus importants, un décrochage scolaire (Piguet et al., 2013 ; Debarbieux, 2013). Par ailleurs, la pratique de jeux dangereux est un sujet relativement peu connu par les enseignants et les directions. De même, les parents n’ont en général pas connaissance de ces jeux. Cependant, cela ne veut pas dire qu’ils ne sont pas présents.

L’intérêt de ce travail est de s’intéresser plus spécifiquement à l’une des trois caractéristiques du harcèlement entre pairs. Il s’agit de l’intention de nuire. Nous allons essayer de comprendre dans quelle mesure elle apparaît dans les jeux dangereux pratiqués par les élèves. Si nous cherchons à déterminer l’intention de nuire dans les pratiques dangereuses, c’est que les deux autres caractéristiques ne sont pas vraiment discutables. En effet, elles sont objectives et observables ce qui n’est pas le cas de l’intention de nuire où nous centrons notre attention sur l’agresseur lui-même et sur ce qui se passe dans sa tête. De plus, d’un point de vue psychologique, cette notion peut être discutée en fonction de l’âge des sujets. Un enfant de 8 ans n’ayant pas la même représentation du mal qu’un enfant de 12 ans.

En outre, la notion de jeu vient nuancer l’intention de nuire, présentée par les recherches, en contexte de harcèlement ordinaire. En effet, le caractère spécifique de la situation de jeu ne semble pas compatible avec une envie de faire du mal. Nous allons donc questionner cette notion d’intention de nuire au regard de l’âge de l’enfant et de son développement moral.

Table des matières

1. Introduction
2. Problématique
2.1. Présentation du phénomène
2.2. État des connaissances sur le sujet
2.3. Contexte
2.4. Orientation disciplinaire
3. Cadre conceptuel
3.1. Le jeu
3.2. Le harcèlement
3.3. Les jeux dangereux
4. Question de recherche
5. Méthodologie
5.1. Choix de la méthode
5.2. Points forts et limites de la méthode
5.3. Dispositif mis en place pour la récolte des données
5.4. Échantillon
5.5. Protection des données et considérations éthiques
6. Analyse et interprétation des données
6.1. Situations sans lien avec le harcèlement
6.2. Situations de harcèlement
6.3. Situations de jeux dangereux
6.4. Questions ouvertes sur les jeux dangereux
6.5. Comparaisons
7. Synthèse des résultats
7.1. Situation sans lien avec le harcèlement
7.2. Situation de harcèlement
7.3. Situation de jeux dangereux
7.4. Conclusions
8. Conclusion

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